A NIGHTMARE ON ELM STREET (1984)
Wes Craven
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Même s'il a tué nombre d'enfants, un meurtrier sanguinaire
est relâché faute de preuves par la justice. La nuit venue,
les parents des victimes se rassemblent et traquent l'homme jusqu'à
son repaire pour l'éliminer. Ils incendient l'immeuble désaffecté
et laissent le cruel personnage rôtir. Mais plutôt que d'aller
tâter les flammes de l'enfer, le monstre revient quelques années
plus tard pour hanter les enfants de ses bourreaux dans la fragilité
de leurs rêves. S'il arrive à les tuer dans ce royaume,
il met fin à leurs jours. S'il les blesse, il laisse à
ses proies d'affreuses cicatrices qui rendent par après impossible
un sommeil paisible...
Admettons d'emblée que la seule force réelle de la fameuse
franchise des Nightmare On Elm Street demeure ce concept initial
de meurtrier des rêves. Que derrière cette série
de slashers de bas étage comme seules les années 80 pouvaient
en servir se cache une prémisse tout bonnement terrifiante: celle
selon laquelle le sort que nous réserve nos pires cauchemars
peut se concrétiser dans la réalité. En ce sens,
Freddy Krueger (Robert Englund) s'avère un monstre infiniment
plus intéressant qu'une épaisse brute sanguinaire telle
que le notoire Jason Voorhes de la série des Friday The 13th.
À défaut d'avoir été la vedette d'un film
réellement apeurant, ce bon vieux Freddy de par sa nature même
a de quoi foutre une bonne trouille à quiconque se penche sur
son cas un peu trop longtemps. Le traitre personnage passe à
l'action au moment même où l'on abaisse la garde. Il profite
de notre vulnérabilité la plus absolue pour nous attaquer
alors que nous nous y attendons le moins. Il brouille la frontière
entre rêve et réalité.
C'est justement parce qu'il s'en tient à cette bonne idée
simple à souhait que ce premier film, écrit et réalisé
par Wes Craven, demeure le meilleur de la populaire série. Contrairement
à ses successeurs, A Nightmare On Elm Street n'a pas
à diluer son efficacité au profit du renouvellement et
de la surprise. Alors que ses innombrables suites avaient à inventer
une torsion prétendument originale au principe de base qu'établit
Nightmare On Elm Street premier du nom afin de conserver notre
intérêt et de stimuler notre curiosité, celui-ci
n'a qu'à établir les bases de la série pour faire
le boulot. C'est justement ce qu'il arrive à faire de manière
tout de même fort convaincante.
À partir d'une histoire classique, Craven orchestre ici un massacre
relativement original obéissant pourtant à toutes les
règles convenues et éculées du film d'horreur pour
adolescents. Si Craven demeure un artisan légèrement surestimé
du cinéma d'horreur, il faut lui concéder une maitrise
certaine des codes et archétypes du genre qu'il s'amusera à
démonter plusieurs années plus tard grâce à
sa trilogie des Scream. Ainsi, les contrevenants à la
moralité sont bien vite charcutés par notre maitre de
cérémonie aux mains d'argent.
Les séquences oniriques, ingrédient crucial de la série
s'il en est un, arrivent ici au juste équilibre entre l'épouvante
et l'humour, entre le sérieux et le grotesque. Sans faire preuve
de l'inventivité visuelle des complexes cauchemars d'A Nightmare
On Elm Street 3: Dream Warriors, ceux que concocte Craven pour
ce premier volet sont franchement bien montés et arrivent même
à créer une certaine tension chez le spectateur prêt
à y mettre un peu du sien. C'est en partie parce que le réalisateur
résiste à la tentation de transformer Freddy en une caricature
ambulante que son film fonctionne si bien. Alors que les films subséquents
transforment le tueur en clown sanguinaire, le tueur est ici une menace
mystérieuse et inévitable.
Mais, parce qu'on y applique avec retenue et révérence
les conventions du slasher, A Nightmare On Elm Street
demeure l'un des meilleurs films de ce sous-genre populiste, trash
et légèrement idiot de la famille de l'horreur. Force
est d'admettre que la première manifestation de Freddy Krueger
possède un charme juvénile indéniable et qu'elle
a le mérite d'avoir introduit au panthéon des figures
menaçantes du septième art une véritable incarnation
de la crainte. À défaut de transcender les limites de
l'horreur à la sauce 80 ou de faire preuve de la débauche
éclatée d'un Evil Dead, A Nightmare On Elm
Street demeure un bon petit divertissement angoissant et amusant.
Vu avec un peu d'entrain et de bonne volonté, le film de Craven
permet encore aujourd'hui de passer un bon moment et de dormir un peu
moins paisiblement...
Version française :
Les Griffes de la nuit
Scénario :
Wes Craven
Distribution :
John Saxon, Robert Englund, Heather Langenkamp,
Johnny Depp
Durée :
91 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
31 Octobre 2005