LA NEUVAINE (2005)
Bernard Émond
Par Miguel-Angel Galvez Soto
Quelle place occupe la religion de nos jours? Quelle place occupe la
religion chrétienne de nos jours dans la société
québécoise? Dans les grandes villes, le phénomène
se fait de plus en plus rare. Dans les villes et villages plus éloignés
des grands centres, il y a une certaine résistance de la religion
chrétienne. C'est donc sans véritable surprise que l'on
voit souvent des représentations religieuses à travers
le film. Elle a une place imposante mais pas vraiment importante. Trop
souvent les films où la religion occupe une place importante,
le film se sent obligé d'en vanter les mérites avec un
ou deux miracles (Signs) ou alors d'en décrier ses monstruosités
(Amen). Avec La neuvaine, la religion n'accomplit
aucun miracle et ne fait que donné le caractère interpersonnel
à François. Voilà pour la religion.
Le scénario, lui, est très bien construit. Jeanne assiste
impuissante à un crime sans nom qui la laissera avec un profond
sentiment de culpabilité et une absence d'émotion et réaction
faciale. Pour échapper à sa culpabilité et à
ses proches trop envahissants, elle part en pleine nuit sans destination
pour s'arrêter près du sanctuaire de Sainte-Anne-de-Beaupré.
Décidée à en finir avec sa vie, elle décide
de se jeter à l'eau. Tout juste avant de commettre l'irréparable,
elle se fait retenir dans son geste par l'arrivée de François
qui venait prier pour le rétablissement de sa grand-mère
mourante. Le moment qui suit la rencontre des deux personnages principaux
est d'une simplicité déconcertante. La ramenant à
sa chambre, il lui promet de revenir le lendemain, ce qu'il fait comme
convenu. Suivent des rencontres un peu plus longues qui permettrons
aux deux de tirer avantage de cette relation purement fortuite. Côté
dialogues, disons simplement que le scénario s'en tient au strict
minimum ce qui laisse au spectateur tout le travail de devenir ce qui
peut bien se dérouler dans les têtes des deux protagonistes.
Le film est silencieux pour une bonne partie de l'histoire et laisse
une place prépondérante à la musique qui joue un
rôle important dans l'intensification des émotions dégagéespar
l'atmosphère de l'oeuvre. Certains moments rapellent même
vaguement les cordes d'un groupe montréalais fort populaire.
Émond signe ici une réalisation impeccable pour son troisième
long-métrage. Visuellement, le film est très beau avec
des paysages empreints d'une pureté inestimable. Aussi, les thèmes
abordés par le cinéaste sont adroitement développés.
Notamment celui de la foi qu'a François envers la religion chrétienne.
Le thème beaucoup plus rationnel des choix est aussi justement
amené. Par contre, Émond choisit un peu trop aléatoirement
le moment des flashbacks. Il ne semble pas y avoir de logique dans les
moments. Par chance, ces flashbacks sont adéquats et viennent
appuyer le récit de manière constructive. Bref, Émond
ne semble plus avoir grand chose à apprendre du côté
tout puissant de la caméra.
Du côté des comédiens, on ne peut que resté
coit devant les performances des deux personnages principaux. Élise
Guilbault joue une femme terrassée par les évènements
dont elle a été témoin. Son visage morne et sans
expression jumelé à une gestuelle remarquable et à
des tons de voix marquant de gravité font de sa performance une
incroyable réussite. Le meilleure performance féminine
dans un film québécois depuis un bon bout déjà.
Pour ce qui est du jeune Patrick Drolet, il joue avec une simplicité
nécessaire au rôle. Il touche le spectateur avec son âme
charitable dans son interprétation de François. Pas étonnant
que sa performance soit déjà primée. Pour ce qui
est du reste de la distribution, on ne peut en dire grand chose. L'histoire
se concentre très principalement sur les deux personnages principaux
ce qui ne laisse pas beaucoup de place aux autres. Mais, lorsqu'ils
en ont l'occasion, ils se tirent bien d'affaire avec un minimum de répliques
et de présence à la caméra.
Bref, La neuvaine s'inscrit dans la continuité des très
bons films québécois sortis récemment tel que C.R.A.Z.Y..
Émond nous sort un vrai bijou avec son troisième essai
cinématographique. Le scénario est solide, les images
sont superbes, les comédiens sidèrent et la réalisation
est, encore une fois, impeccable. Rarement a-t-on vu le cinéma
québécois aussi en forme que présentement et on
ne peut que se réjouir de voir l'automne qu'il nous réserve.
Espérons qu'il ne déraillera pas pour un bonne période
de temps.
Version française : -
Scénario :
Bernard Émond
Distribution :
Elise Guilbault, Pierre Collin, Stéphane
Demers, Patrick Drolet
Durée :
97 minutes
Origine :
Québec
Publiée le :
10 Septembre 2005