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NATURAL CITY (2003)
Byung-chun Min

Par Alexandre Fontaine Rousseau

Certains films sont des hommages révérants. D'autres ne sont que de vulgaires imitations sans âme. Le produit de science-fiction coréen Natural City, bien qu'il promette un thriller cyberpunk de haut niveau, ne propose au bout du compte qu'une relecture à l'eau de rose du Blade Runner de Ridley Scott assaisonnée de scènes d'actions explosives qui deviennent bien vite redondantes. En centrant son récit sur l'histoire d'amour entre un policier en perdition et une androïde approchant dangereusement de sa date de péremption, Byung-chun Min évite les thématiques potentiellement intéressantes de son film et mise plutôt sur une vision romantique assez archaïque de l'amour dont le cinéma populaire coréen semble s'être enticher pour de bon. Ce faisant, il gaspille un budget imposant sur une histoire éculée véhiculant des valeurs antiques dans un décor futuriste exploité de manière superficielle.

L'univers dans lequel nous plonge Natural City ne sera pas étranger aux habitués de la série Ghost In The Shell ou aux amateurs de l'auteur Isaac Asimov. Dans une société technocratique de l'avenir, les robots en sont venus à remplacer l'humain dans plusieurs domaines: certains sont de simples soldats, d'autres servent de jouets sexuels aux citoyens aisés. Mais pour R, la belle Rya est bien plus qu'un exutoire à fantasmes. Il s'est développé une authentique relation affective entre le policier et l'androïde. Celle-ci étant condamnée à cesser de fonctionner d'ici peu, cet ancien agent émérite décide de transférer la mémoire de sa compagne cybernétique dans un corps humain. L'opération exige une certaine connivence avec des contacts houleux du monde interlope du trafic robotique.

Au-delà de ses défaillances au niveau du ton, Natural City souffre principalement d'une intrigue mal ficelée dont les derniers pivots semblent tirés par les cheveux. Trop longtemps, le film de Byung-chun Min évite de faire le lien entre ses diverses intrigues tant et si bien que, lorsque la connexion est finalement établie, le scénario semble déjà disloqué au-delà de toute chance de rétribution: l'enquête policière ne fonctionne tout simplement pas, à l'instar de la relation entre R et Rya qui sonne faux tout en faisant du surplace. Le développement de ces personnages se fait à l'aide de clichés visuels irritants et la complexité de leur relation amoureuse est abordée grossièrement.

Qui plus est, les citations visuelles et thématiques à Blade Runner sont trop appuyées pour être fortuites et passent finalement pour du vol à l'étalage visuel. Il serait facile d'affirmer que l'influence de Blade Runner sur le genre cyberpunk au cinéma est si imposante qu'il est impossible de s'en émanciper complètement, de défendre Natural City en affirmant qu'il glisse quelques hommages à sa source d'inspiration première. Malheureusement, ce sont parfois des scènes, des éléments de décors et des plans de caméra qui sont littéralement piqués au classique de Scott: le restaurant où allait manger Deckard, les vaisseaux publicitaires et même les fenêtres du bureau du président de la firme robotique où sont manufacturés des robots qui tentent de vaincre leur mort pré-programmée... Sauf que la finition plastique de l'ensemble n'est en rien l'égal de la direction photo hallucinante de ce chef d'oeuvre visuel inégalé que demeure Blade Runner.

En gros, Natural City déguise un propos insignifiant dans un enrobage futuriste qu'il n'exploite qu'à moitié. Les scènes d'actions, violentes et savamment orchestrées, sont le principal attrait d'un film qui, autrement, nous livre une histoire d'amour convenue d'une manière pompeuse à souhait. Les amateurs de cinéma coréen seront sans doute satisfaits par ce mélange lourdaud de beaux sentiments et d'envolées au lyrisme sirupeux somme toute assez insupportable. Mais les deux volets de la série Ghost In The Shell et le chef d'oeuvre de Scott sont à revoir si l'envie vous prend d'un thriller cyberpunk rondement mené. Cette boursouflure émotive à grand déploiement n'offre ni l'intensité du thriller, ni la profondeur philosophique propre aux classiques du genre... et se prend beaucoup trop au sérieux pour divertir de manière légère.




Version française : -
Scénario : Byung-chun Min
Distribution : Ji-tae Yu, Jae-un Lee, Rin Seo, Eun-pyo Jeong
Durée : 114 minutes
Origine : Corée du Sud

Publiée le : 15 Juin 2006