NACHO LIBRE (2006)
Jared Hess
Par Jean-François Vandeuren
Bien que Napoleon Dynamite ne fit pas l’unanimité
autant auprès du public que de la critique, le premier long-métrage
de Jared Hess connut malgré tout un succès fort respectable
en son genre. Le jeune cinéaste américain se retrouva
du coup dans une position des plus étranges, mais tout de même
fort enviable. À la suite des élans moqueurs d’un
premier film s’apparentant bien souvent à une suite de
séquences disparates d’un pathétisme douteux, il
était maintenant temps pour Hess de faire ses preuves à
l’intérieur de la grosse machine hollywoodienne. Sur papier,
Nacho Libre sonnait comme un projet des plus alléchants.
Voir Hess collaborer avec le scénariste Mike White (The School
of Rock) pour mettre en images l’histoire d’un lutteur
mexicain interprété par le génial Jack Black ne
pouvait que créer des attentes démesurées chez
tous les amateurs de comédies absurdes et légèrement
déjantées. Avec ce deuxième effort, Hess gagne
visiblement en maturité, mais ne délaisse pas pour autant
la sympathique naïveté de son premier film.
Les « luchadors » connurent leur heure de gloire au cinéma
dans les années 60. Durant la grande période du série
b, le lutteur Santo s’en prit à des hordes de zombies et
de vampires dans quelques-uns des navets les plus abominables de l’histoire
du cinéma. Heureusement, Nacho Libre emprunte pour sa
part un parcours beaucoup plus noble et modeste. Jack Black incarne
ici un moine cuisinier entretenant une passion secrète pour la
lutte. Dans le but de venir en aide à un orphelinat et de séduire
la nouvelle sœur venue y enseigner, ce dernier tentera d’atteindre
les hautes sphères de la lutte mexicaine en faisant équipe
avec un sans-abri particulièrement rapide et qui croit en la
science plutôt qu’en Dieu.
Comme dans Napoleon Dynamite, il est impossible de clairement
situer Nacho Libre sur une ligne du temps étant donné
ses nombreux anachronismes. Ceux qui eurent du mal à saisir pourquoi
tous les personnages du premier film de Jared Hess (qui se déroulait
quelque part dans les années 2000) semblaient sortir tout droit
d’un feuilleton télévisé du milieu des années
80 risquent d’être tout aussi confus avec Nacho Libre.
C’est pourtant ce manque d’appartenance à une temporalité
bien définie qui donne à Hess une si grande liberté
et lui permet de puiser dans le répertoire culturel de différentes
époques sans que ces élans ne paressent déplacés
ou inappropriés. L’effort fait ainsi référence
au Mexique des années 60 en effectuant une courte escale dans
les années 80 pour mettre en valeur ses teintes turquoises tout
en demeurant bien ancré dans le présent. L’initiative
est d’ailleurs parfaitement appuyée par la photographie
vieillotte et salie de Xavier Pérez Grobet, laquelle rappelle
d’ailleurs celle de The Life Aquatic with Steve Zissou,
qui supporte non seulement la mise en scène un peu kitsch de
Hess, mais également ses décors les plus poussiéreux
et désertiques.
À l’image de The School of Rock, Nacho Libre
compte en grande partie sur la désinvolture d’un Jack Black
qui réussit à supporter le film sur ses épaules
sans que Hess et White ne l’abandonnent en cours de route. Black
nage dans son élément et l’énergie qu’il
déploie devient rapidement contagieuse. De son côté,
Mike White reprend la formule qui avait fait le succès du surprenant
The School of Rock de Richard Linklater. Nous suivons ainsi
la quête d’un individu rêvant de gloire et de célébrité
qui prendra conscience que ses actes peuvent avoir une portée
beaucoup plus significative s'ils sont motivés par les bonnes
intentions. Comme pour son précédent opus, White fait
part d’un talent de plus en plus rare en esquissant une morale
bon enfant sans tomber dans la manipulation. Le secret du scénariste
dans les deux cas est qu’il n’oublia jamais de prendre en
considération que son public serait à la fois formé
d’enfants et d’adultes, traitant les premiers avec un réel
respect sans constamment prendre les seconds par la main.
Comme prévu, l’approche visuelle volontairement désuète
de Jared Hess se fond avec aisance aux élans scénaristiques
toujours sympathiques de Mike White. Le duo fait ainsi des étincelles
et signent une comédie utilisant énormément l’humour
physique de Jack Black tout en proposant une bonne dose d’absurde
et de combats de lutte spectaculaires (ce n’est pas des blagues).
Le tout est appuyé par une délicieuse trame sonore prenant
les traits d’un joyeux fourre-tout dans lequel figurent encore
certaines compositions de Beck. Ce dernier devait d’ailleurs signer
l’entièreté de la musique du film avant que la Paramount
ne vienne y mettre son grain de sel. Quelques faux pas sont cependant
notables alors que l’effort tente parfois de culminer un peu trop
sur un humour de fond de bécosse. Malgré tout, Nacho
Libre a le mérite d’être une comédie
désopilante qui parvient à faire rire son public par des
élans somme toute forts singuliers, mais inspirés, à
défaut d’être très subtils.
Version française : -
Scénario : Mike White, Jared Hess, Jerusha Hess
Distribution : Jack Black, Ana de la Reguera, Héctor Jiménez,
Darius Rose
Durée : 100 minutes
Origine : États-Unis
Publiée le : 16 Juillet 2006
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