MURDER, TAKE ONE (2005)
Jang Jin
Par Jean-François Vandeuren
Une jeune femme est retrouvée sans vie dans une chambre d’hôtel.
Les forces de l’ordre arrivent alors sur les lieux pour y mener
leur enquête, mais elles ne sont pas seules. Étrangement,
ce sont les médias qui occupent le plus de place autour de la
scène du crime. Tout ce cirque est le résultat d’une
nouvelle émission d’affaires publics s’évertuant
à suivre en direct, 24 heures sur 24, le processus d’une
enquête criminelle. Au menu : débats d’experts, entrevues
avec les détectives liés à l’affaire et un
nombre abracadabrant de caméras placés un peu partout
à l’intérieur du poste de police, nous donnant même
un point de vue privilégier sur ce qui se trame à l’intérieur
de la salle d’interrogatoire. Le processus lent de la réalité
pourra-t-il se conformer au rythme réglé au quart de tour
imposé par le modèle télévisuel?
Sans être le premier film à aborder ce sujet (après
tout, l’on ne peut plus «sophistiqué» Showtime
de Tom Dey présenta une prémisse similaire au printemps
2002), Murder, Take One tente tout de même de s’imposer
en lançant un regard critique sur l’état de la télévision
à l’ère de la télé-réalité
et des nouvelles souvent plus spectaculaires qu’objectives sans
faire de l’action son principal attribut. Le film de Jang Jin
démarre d’ailleurs sur une note particulièrement
brillante. En un seul plan, l’habile mise en scène du cinéaste
sud-coréen isole alors complètement la scène du
crime tout en mettant l’emphase sur la vie inchangée des
autres clients de l’hôtel avant de littéralement
plonger dans une bruyante mascarade médiatique. Le réalisateur
forme ensuite un huis clos autour du poste de police dont il ne sort
que très rarement et à l’intérieur duquel
les enquêteurs tentent de recoller les pièces du puzzle
aussi rapidement que possible sous le regard attentif des caméras.
Malheureusement, Jang Jin est visiblement pris entre deux médiums.
La tangente plus cinématographique de sa réalisation se
veut particulièrement adroite et donne lieux à certains
élans fort stylisés apportant une dimension supplémentaire
à l’effort, surtout en début de parcours. À
l’opposée, sa mise en scène a parfois tendance à
manquer de vigueur et s’enfonce alors dans la banalité
d’une approche ayant beaucoup trop de points en commun avec celle
d’un téléroman.
Au moins, le cinéaste sud-coréen ne nous a pas fait la
mauvaise blague de se prendre trop au sérieux et développe
plutôt son scénario sur un ton satirique teintée
d’une touche de ridicule assumée. Nous ne pouvons pas dire
non plus que le concept mis sur pied au départ par Jang Jin en
était un des plus futiles. Par contre, ce dernier s’avance
dans tellement de directions en même temps qu’il finit inévitablement
par éparpiller ses idées et ne pas leur conférer
le temps d’écran nécessaire pour qu’elles
puissent toutes devenir réellement significatives. C’est
particulièrement le cas pour ce qui est du battage médiatique
entourant la mort de la jeune femme qui est à peine effleuré
alors qu’il aurait dû être normalement la principale
préoccupation du cinéaste. Quelques éléments
sont certes introduits au début du film et durant sa progression
d’une manière plus disparate, mais autrement, il devient
plutôt difficile en bout de ligne de faire la différence
entre le film de Jang Jin et un polar tout ce qu’il y a de plus
banal.
Le sentiment général se dégageant au final de Murder,
Take One est celui d’un film dont chaque séquence
aurait été écrite, tournée et assemblée
individuellement avant que le réalisateur ne passe à la
suivante. D’ailleurs, le cinéaste sud-coréen ne
semble intéressé à donner un nouveau souffle à
ses principales thématiques qu'à partir du moment où
il les laissa de côté depuis beaucoup trop longtemps. Pour
sa part, l’idée d’intégrer une touche surnaturelle
à l’ensemble aurait pu s’avérer brillante.
Malheureusement, comme tant d’autres, celle-ci est introduite
beaucoup trop tardivement dans la dynamique de l’effort. Cette
dernière ne devient d’autant plus qu’une simple échappatoire
pour Jang Jin qui s’empresse de terminer son film sur une note
rappelant un peu trop The Sixth Sense. Dans le contexte global
de l’effort, le tout apparaît également comme une
façon plutôt lâche et incohérente de mettre
un terme à un récit dont l’instigateur ne savait
pas plus que nous où tout ce brouhaha allait bien finir par aboutir.
Version française : -
Version originale :
Baksu-chiltae deonara
Scénario :
Jang Jin
Distribution :
Cha Seung-won, Jeong Dong-hwan, Jeong Gyu-su, Kim
Ji-su
Durée :
115 minutes
Origine :
Corée du Sud
Publiée le :
30 Juillet 2006