THE MUMMY : TOMB OF THE DRAGON EMPEROR (2008)
Rob Cohen
Par Mathieu Li-Goyette
En l’an 1999 de notre ère, à l’époque
où les hordes publiques priaient le retour attendu d’Indiana
Jones pour un quatrième et dernier volet (Lucas étant
plus occupé à lancer sa nouvelle trilogie interstellaire),
Stephen Sommers répondit aux attentes en créant la franchise
The Mummy. Pour ce faire, il empruntait les lignes de conduite
du professeur au chapeau et au fouet en les transposant dans les attributs
d’un soldat de la légion étrangère tout en
conservant l’inspiration épisodique des serials des années
30 (sans oublier le film-phare de Karl Freund de 1932). En 2001, signée
du même réalisateur, accompagné de la même
troupe, mais avec en plus le support de l’ex-lutteur The Rock,
la suite des choses fut assez charmante pour revigorer l’intérêt
des amateurs auprès de la franchise. Sept ans et un film de remplissage
plus tard (The Scorpion King), Sommers revient à la
charge, cette fois-ci derrière le porte-feuille, en tant que
producteur d’un troisième volet maintenant sous la direction
de Rob Cohen (l’homme derrière xXx et The
Fast and the Furious). Finale sortie du néant et qui n’aurait
certainement jamais dû quitter le stade embryonnaire de scénario,
le retour des aventures de Rick O’Connell a l’effet d’un
acide brûlant et bien suranné sur la plaie ouverte de la
déception que nous eût laissée, plus tôt cette
année, le retour de son rival incommensurable signé Spielberg.
C’est la fin de la Deuxième Guerre et Rick O’Connell
(Brendan Fraser) a maintenant un fils dans la vingtaine. Aussi aventurier,
combattant et franc tireur que son père (surprise!), Alex découvre
la Tombe de l’Empereur Dragon en plein cœur de ce qu’on
pourrait croire être le Désert de Gobi en Chine. Provoquant
alors l’attention d’une armée chinoise aux couleurs
allemandes (?) qui pourrait être sortie tout droit d’une
dimension parallèle entre Kai-Chek et Mao, Alex décide
de suivre ses parents récemment arrivés à Hong
Kong avec en leur possession l’artefact de Shangri-La, clé
d’une fontaine de jouvence cachée au creux de l’Himalaya.
Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, le troisième
volet de la trilogie se voit calqué scène après
scène sur le deuxième épisode. Débutant
dans un camp d’archéologie, il se poursuit à Londres
chez les O’Connell, puis dans un musée qui servira de lieu
de résurrection au monstre (Jet Li) qui déclenchera une
course contre la montre dans laquelle nos héros devront se rendre
au fin fond d’une contrée inhospitalière pour contrer
le rappel à la vie d’une armée gigantesque de momies.
Au passage, Cohen se débarrasse des «charmants» aborigènes
chasseurs de tête de l’ancien temps en échange d’une
poignée de Yétis semblant être sortis tout droit
d’un musée des horreurs à la Monsters Inc.
Même formule, mais cette fois avec des ingrédients d’appellation
chinoise (merci aux Jeux Olympiques de Beijing pour la transposition
en Asie), le simili-touareg des premiers films est remplacé par
une jeune guerrière immortelle et sa mère enchanteresse
incarnée par Michelle Yeoh qui est à des lustres d’avoir
l’occasion d’imposer la même prestance qui lui a donné
son surnom de reine des arts martiaux. Quant au reste de l'équipe,
John Hannah (seul acteur, avec Fraser, impliqué depuis le tout
début) se remet aisément dans la peau de Jonathan en faisant
mouche le dixième de son temps d’écran qui reste
entièrement employé à titre de bouffon du groupe.
Désastre par-dessus désastre, l’humour facile, dont
les premiers films nous avaient gracieusement épargné,
s'avère d'une redondance pénible qui porte à croire
que la libido de Rob Cohen se porte très mal depuis ses collaborations
testostéroniques de jadis avec Vin Diesel. Film familial, film
d’aventure, film grossier, c’est un film mal conçu
et débalancé qui oublie à plusieurs reprises d’être
un divertissement pour un certain type de public qui se verrait difficilement
être enfant au risque de sombrer dans la même vulgarité
déplacée tapissant des relations de personnages à
deux vitesses: paroles à double sens, puis clin d’oeil
aux films précédents. Cette manie d’user d’une
surenchère de références ne fait qu'alourdir les
rarissimes élans d'inspirations du film. Elle ne semble être
que la seule matière de discussion entre Rick (l’aventurier
assagi) et Alex (le fils impétueux), tout comme elle semble être
la seule substance d’une relation entre Rick et sa femme. Le dialogue
n’est donc pas plus efficace pour ce qui est d’y faire avancer
le récit qui progresse bien plus grâce à la narration
douteuse ouvrant le film, astuce mal exploitée qui vend la peau
de l’ours avant de l’avoir même aperçu.
Du côté des autres stars, Jet Li subit le même sort
que sa compatriote Yeoh, c’est-à-dire qu'il est complètement
menotté par le scénario au rang d’excentricité
orientale importée dans un décor des plus invraisemblables.
Muraille en ruines en plein désert (la merveille du monde étant
située bien loin dudit désert chinois), cité de
Shangri-La verdoyante aux sommets de l’Himalaya (si au moins elle
avait été exploitée!), insertion de plusieurs personnages
encore une fois calquée sur les précédents, la
seule parcelle d’intérêt (et c’est peut-être
en exagérer le potentiel) demeure dans le personnage de Brendan
Fraser. Moteur incroyable de son épopée autour duquel
tourne cette franchise qui vient sûrement de rendre son dernier
souffle, il est triste de voir les moments charismatiques de l’acteur
se faire éclipser par la médiocrité accablante
de sa nouvelle compagne Maria Bello, à des lustres de la vigueur
bien féministe de Rachel Weisz. Techniquement, mieux vaut passer
outre l’esthétique mitrailleuse de plans qui ne sert en
fait qu’à nous remémorer la qualité des premiers
jalons de la trilogie qui se démarquaient de la masse en imposant
une mise en scène dynamique, mais loin d’être craintive
à nous laisser entrevoir plus d’une seconde d’action.
Autres éléments habituellement vitaux à sa catégorie,
la trame sonore et les effets numériques s’accordent avec
la qualité générale du film et s’avèrent
peut-être même moins impressionnants que les premiers pas
de la momie dans le monde numérique il y a maintenant neuf ans.
Il va falloir se faire à l’idée que l’archéologie,
qu’elle soit en lien aux petits bonshommes verts pour causes de
la carrière centrifuge de Georges Lucas ou en lien aux prochaines
olympiades ne s’échappera vraisemblablement jamais de son
triste destin, à savoir d’être relégué
au film à costume truffé d’alibis de moins en moins
captivants. Où nous avions l’Arche de l’Alliance
et le Saint-Graal, nous y avons gagné une tête d’alien
roswellien. Où nous avions la renaissance des dix plaies d’Égypte
et du péplum mystique, nous y avons gagné la paresse d’un
camp de vacances délinquant en Asie; endroit où tout n’est
plus qu’un écho d’une ancienne aventure se répétant
jour après jour sous la même facture du prévisible.
Avec chaque sortie de la sorte, c’est un peu de cette magie du
cinéma qui s’effrite sous la mémoire de ces films
qui savaient nous faire rêver d’archéologie, de mythes
à redécouvrir, mais surtout nous mener à croire
que cette grandiose aventure était toujours possible une fois
l’été arrivée. Artefacts cinématographiques
abandonnés, il faudra peut-être les dépoussiérer
de leur statut de pièces de musée en moins de temps qu'il
n'en faut pour crier: pillage!
Version française :
La Momie : La Tombe de l'Empereur Dragon
Scénario :
Alfred Gough, Miles Millar
Distribution :
Brendan Fraser, Jet Li, Maria Bello, John Hannah
Durée :
112 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
11 Août 2008