MULHOLLAND DR. (2001)
David Lynch
Par Frédéric Rochefort-Allie
Ne s'aventure pas cinéphile qui veut dans l'univers plutôt
sombre de David Lynch. Ce réalisateur américain est reconnu
pour faire des films plutôt songés et personnels. D'ailleurs
il n'explique jamais le sens précis de ses films car il juge
que ça en détruirait leurs aspects mystérieux et
qu'il ne veut pas empêcher le spectateur de pouvoir développer
sa propre interprétation. Selon lui, Hollywood tente beaucoup
trop de rester compréhensible. Heureusement pour nous tous, certains
osent sortir des sentiers battus, comme Lynch, et nous offrent de véritables
bijoux.
Vous raconter précisément l'histoire de Mulholland
Dr. serait vous priver d'un énorme plaisir intellectuel.
Disons qu'à la base, une jeune actrice nommée Betty (Naomi
Watts) s'installe à Hollywood pour réaliser son rêve
américain : devenir vedette de cinéma. Le même jour,
elle rencontre une femme accidentée amnésique (Laura Elena
Harring) et ensemble, tenteront de savoir quelle est sa véritable
identité et la raison de son accident. J'aimerais vous en dire
plus, mais malheureusement c'est un travail que vous devrez effectuer
tout seul.
Les cinéphiles les plus expérimentés remarqueront
que Lynch fait tout pour déstabiliser le spectateur, et ce dès
le début. La limousine qui se promène sur Mulolland Drive
semble changer de directions à chaque plan, elle ne respecte
vraiment pas la règle du 180 degré. L'accident devient
alors pratiquement irréel, puis, contrairement au cinéma
Hollywoodien, le «reaction-shot» prend beaucoup plus de
place que la collision elle-même. Plusieurs décrocheront
avant même que la première partie ne soit terminée
car les vingt premières minutes peuvent être extrêmement
souffrantes pour ceux qui n'ont jamais vu un Lynch de leur vie. Contrairement
à The Straight Story (l'avant dernier Lynch), Mulholland
Dr. est un film qui exploite énormément le symbolisme
visuel. Le spectateur remarquera après plusieurs visionnements
des détails comme le «Angeles» de Los Angeles centré
sur la bannière alors que Betty arrive dans la ville. Côté
ambiance, le début fait penser aux comédies musicales
des années 1940-50 par la légèreté que projette
la métropole. Par contre, un sentiment de panique ne fait que
s'emplifier avec le temps détruisant ainsi l'enivrement que provoquait
L.A. sur Betty au départ. Pour accompagner cette montagne russe,
Lynch est allé chercher d'excellents acteurs qui jusqu'alors
étaient de parfaits inconnus. Naomi Watts, vedette depuis The
Ring, incarne à perfection les deux faces d'Hollywood et
livre une performance inoubliable et jamais son jeu ne dérougit.
Personnellement, c'est la seconde actrice à m'avoir complètement
jeté par terre depuis Ellen Burstyn dans Requiem For A Dream.
Je tiens aussi à souligner que la direction photo est impeccable,
l'image accompagne à merveille les émotions des personnages
et transforme une simple salle vide en un lieu effrayant et très
mystérieux. L'univers sonore entourant Mulholland Dr.
est aussi on ne peut plus intriguant. Si la musique semble être
composée sur un clavier numérique, les sons eux ont une
particularité vraiment étrange car ils donnent vraiment
l'impression d'avoir été échantillonnés
à partir de bruits carrément différents. Par exemple,
lors d'une bataille, le cri d'une femme obèse ressemble à
celui d'un chimpanzé et ses coups de poings sont extrêmement
forts en décibels. Le raccord sonore est aussi particulièrement
réussi, à remarquer vers la fin du film.
Si certains fans se plaignent d'un manque d'originalité de Lynch
face à sa série Twin Peaks, d'autres louangent
le film au plus haut point. Chose certaine, seul Lynch connait le véritable
sens de son film et le spectateur trouve lui-même son interprétation
ou sinon il abandonne par manque de masochisme. Je ne peux que saluer
de bien bas cette oeuvre qui reste hypnotisante du début à
la fin. Mulholland Dr. est un film qui imprègne son
spectateur d'images troublantes et choquantes qui font de ce film un
incontournable du genre.
Version française :
Mulholland Dr.
Scénario :
David Lynch
Distribution :
Naomi Watts, Laura Harring, Ann Miller, Dan Hedaya
Durée :
145 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
21 Août 2003