MONSTER (2003)
Patty Jenkins
Par Frédéric Rochefort-Allie
En jetant un regard rétrospectif au cinéma américain,
on remarque que la violence n'est pas seulement qu'un élément
important qui s'imprègne avec subtilité dans l'ambiance
d'un scénario, mais elle est aussi l'essence même de plusieurs
oeuvres. Qu'elle se manifeste dans les foyers (Thirteen), dans
des univers caricaturaux (Kill Bill) ou dans les films d'horreur
(Cabin Fever), la brutalité s'impose comme regard que
pose les Américains sur leur propre société. Ce
n'est donc pas surprenant que ces derniers s'attachent tant aux criminels,
rappelant le défunt mythe du cowboy (petit américain moyen
qui se fait justice). En 2002 s'éteignit Aileen Wuornos, criminelle
en série de premier ordre qui tua plus de sept hommes en Floride.
Monster est son histoire.
Pour son premier long-métrage, la cinéaste Patty Jenkins
nous présente l'odyssée du crime qu'on vécu Aileen
(Charlize Theron, The Italian Job) et son amie Selby (Christina
Ricci, Sleepy Hollow) au cours d'un été dans
les années 80. Bref, la décente aux enfers d'Aileen.
Si cette oeuvre est d'une actualité frappante, on ne pourrait
malheureusement échapper aux comparaisons avec le Thelma
et Louise de Ridley Scott sorti en 1991. En effet, dans les deux
cas, nos criminelles cherchent un moyen d'échapper à leur
vie précédente et un lien d'amitié viscéral
se tisse entre elles. Toutefois, Monster se démarque
de son ancêtre par son ton beaucoup plus lourd. Jenkins apporte
de sérieuses réflexions sur la méchanceté
de la société, tant chez les marginaux que les êtres
humains en général, et nous questionne à savoir
si la fin justifie les moyens. Si la violence reste d'ordre physique,
ça n'empêche pas le film de se concentrer plutôt
sur l'aspect psychologique, les relations entre les personnages plutôt
que l'hémoglobine. Mais malgré tout l'effort de la scénariste
pour rendre ses deux personnages attachants, l'histoire reste un peu
trop vague par moments. Comme si la scénariste attendait un coup
de pouce pour que son scénario puisse évoluer, ce qu'il
ne fait qu'à moitié.
Entre la cinéaste et son actrice principale, c'est décidément
l'actrice qui mène la barque. Bien qu'elle s'applique à
créer des ambiances intéressantes, Patty Jenkins reste
plutôt sobre et ne se permet aucune audace dans sa réalisation.
Le résultat est on ne peut plus conventionnel. Même le
montage ne transmet généralement pas l'énergie
qui se dégagerait d'une telle violence si c'était moindrement
plus original. Comme le dit le dicton : On récolte ce que l'on
sème. Les images chocs sont en fait plutôt raisonnables
en comparaison au cinéma de Scorsese. Les enfants ont probablement
même déjà vu pire à la télévision
ou en tuant un quelconque «méchant» dans un jeu vidéo.
Charlize Theron, elle, prend le film d'assaut par un jeu d'une qualité
plutôt contradictoire. D'un côté, nul doute que la
jeune mannequin à la carrière douteuse est bel et bien
maintenant une actrice de talent. Elle arrive à incarner avec
brio une femme qui nous rappelle vaguement le Travis Bickle de Taxi
Driver. Mais parfois, derrière un maquillage bien réussi,
se cache un jeu exagéré, voire même «oscarisible».
Bien que le personnage nécessite d’être jouer d'une
façon exagérée, une légère subtilité
n'aurait certes pas nuit à quelques scènes. Un grand acteur
sait s'imposer un masque sans avoir recours à une transformation
au latex. Si Theron brille dans ce film, sa compagne Ricci reste certainement
une grande oubliée dans tout ce battage publicitaire pro-oscar.
Contrairement à sa collègue, elle possède une grande
générosité de jeu qui lui permet de se fondre à
la pellicule quand elle le désire.
Bref, sans marquer l'histoire du cinéma, Theron livre un jeu
touchant, quoique peu subtil, qui viens éclairer un film mal
développé. Au bout du compte, on se demande qui est le
monstre d'entre tous? Est-ce notre tueuse en série, son amie,
la société ou le spectateur qui salive dans l'attente
d'un meurtre? La réponse, comme le film, reste incomplète.
Version française :
Monstre
Scénario :
Patty Jenkins
Distribution :
Charlize Theron, Christina Ricci, Bruce Dern, Lee
Tergesen
Durée :
109 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
8 Mars 2004