MONSIEUR BATIGNOLE (2002)
Gérard Jugnot
Par Louis-Jérôme Cloutier
La Seconde Guerre mondiale a été une incroyable source
d’inspiration pour de nombreux auteurs. Le sujet a été
traité sous tous les angles possibles. Monsieur Batignole
s’inscrit dans un style de comédie dramatique, un peu comme
l’avait fait Benigni avec La Vita è bella. On
tente donc de parler avec humour d’un sujet pourtant bien sérieux.
Dans ce cas-ci, il s’agit de l’occupation allemande de la
France et l’antisémitisme en découlant. Gérard
Jugnot incarne Edmond Batignole, un niais commerçant oeuvrant
dans la boucherie. L’un de ses proches voisins, un chirurgien
juif, se fait arrêter par la police française, mais son
plus jeune enfant parvient à s’échapper. Batignole
se retrouve donc à devoir le cacher et le protéger.
Tout comme dans les autres films ayant tenté de faire rire avec
un sujet dramatique, ce film de Gérard Jugnot est une réussite.
D’abord parce que la partie dramatique du film est parfaitement
réussie et bien utilisée, mais aussi parce que l’humour
est franchement réussi et ne peut que nous charmer. Il est difficile
de traiter de l’occupation française et surtout de dénoncer
ceux ayant collaboré avec l’armée allemande. Monsieur
Batignole se charge de cette besogne tout en écorchant au passage
ceux qui refusaient de voir les yeux fermer ce que d’autres voyaient
les yeux ouverts. Le personnage de Jugnot est d’ailleurs celui
qui sert d’exemple afin d’exprimer cette critique. Certaines
de ses répliques sont criantes de vérité tout en
ayant un bel attrait humoristique. S’il se refuse d’abord
à s’avouer à lui-même que le sort réservé
aux Juifs est ignoble, il finit par découvrir la vérité
à travers sa relation avec un jeune juif du nom de Simon. Il
se livre même, vers la fin du film, à une dénonciation
claire et directe de l’agissement de certains Français
en se faisant passer pour un pauvre juif à qui on a retiré
tous ses droits.
La progression de Monsieur Batignole suit une route bien construite,
malgré quelques problèmes vers la fin et sur lesquels
je reviendrai plus loin. Le jeu de Jugnot est franchement bien : il
fait rire dans la peau d’un homme un peu bête, simple et
maladroit. La relation qu’il entretient avec les membres de sa
famille, dont sa femme et son gendre, réserve de très
bons moments d’humour. Ce dernier, incarné par Jean-Paul
Rouve, est également savoureux dans la peau d’un auteur
raté qui arrive à se donner du prestige grâce à
ses très bonnes relations avec les nazis. Même ces derniers
sont parfois grotesques et burlesques, dessinés à gros
traits, tout comme le reste des personnages d’ailleurs. N’y
voyez pas là un défaut. Les personnages de Monsieur
Batignole ne versent pas dans la subtilité, mais ils servent
bien le propos. Cependant, il aurait été intéressant
de pousser l’audace un peu plus loin. Jugnot a préféré
garder la pédale douce par moment. Avec davantage de volonté,
il aurait facilement pu en tirer un film encore plus intéressant
pour ses aspects politiques. Aussi, il aurait fallu revoir entièrement
la dernière heure. Elle représente une cassure assez dérangeante
avec le reste du film que ce soit au niveau des personnages, des lieux
ou de l’action.
Quand même, Monsieur Batignole est une comédie
réussie. Plusieurs moments sont fort cocasses grâce aux
interactions entre les personnages, mais aussi entre leur caractère
bien distinct. Évidemment, ils sont dessinés à
gros traits, mais cela ne peut qu’être bénéfique.
Il y a tout de même beaucoup de subtilité dans toute cette
histoire, principalement concernant la très bonne critique qui
est exprimée. Un film léger qui se laisse écouter
avec le sourire aux lèvres.
Version française : -
Scénario :
Gérard Jugnot, Philippe Lopes-Curval
Distribution :
Gérard Jugnot, Jules Sitruk, Jean-Paul Rouve,
Götz Burger
Durée :
100 minutes
Origine :
France
Publiée le :
1er Mars 2004