MODERN TIMES (1936)
Charles Chaplin
Par Frédéric Rochefort-Allie
En 1936, la société évoluait à un rythme
infernal. L'entre-deux-guerres, période de transition et surtout
de grande dépression économique, poussa les industries
à remplacer peu à peu les ouvriers qui n'arrivaient pas
à satisfaire le niveau de production machinale par de véritables
engins mécaniques, déshumanisant ainsi toute forme de
travail. Il est intéressant de noter qu'au départ, Les
Temps Modernes devait se nommer en fait « The Masses ».
Masse pour production, ou pour Charlot qui ne reste qu'un simple ouvrier
?
Le Vagabond est de retour dans cette histoire, où le pauvre n'arrive
jamais à monter les échelons de la société,
même s'il tente désespérément de s'en sortir.
Une histoire de la sorte, où pour une fois de plus le simple
ouvrier durant la dépression économique pouvait se voir
parodié par un alter-ego lui rendant justice en se moquant de
ses supérieurs. Il s'agissait d'une bien maigre justice, mais
qui satisfaisait son auditoire pour la modique somme de quelques cents.
Il faut se remettre dans le contexte de l'époque pour en saisir
toute l'effronterie. Charlot était le personnage le plus universellement
adulé à l'époque. Les gens pouvaient si facilement
s'identifier à lui. Chaplin savait comment tirer les ficelles
chez ses spectateurs. Par exemple, lors d'un épisode, Charlot
ramasse, par accident, un drapeau rouge qui tombe d'une voiture, pour
soudainement devenir le chef d'une manifestation ouvrière. De
fins gags traités avec intelligence en font l'une des satires
sociales les plus réussies.
On se souviendra aussi des Temps Modernes comme étant
la mort officielle de Charlot. Non pas qu'il meurt dans le film, mais
la pression du public exigeait à l'époque que le vagabond
préféré puisse enfin parler un jour. Chaplin, même
s'il croyait que son personnage se devait de rester muet, fut poussé
à concrétiser le rêve de ses fidèles spectateurs.
En effet, Charlot parle...ou plutôt chante, dans une séquence
tout à l'image du personnage, qui ne trahit pas du tout son esprit
d'origine. Chez Charlot, tout est dans le non-dit. L'entendre parler
l'aurait détruit. C'est pourquoi Chaplin a attendu de tuer officiellement
son personnage avant de s'attaquer à autre chose.
Sans aucun doute, Les Temps Modernes continuera à traverser
les époques comme il le fait depuis maintenant 70 ans. Après
tant d'années, Chaplin continue d'étonner. On y remarque
même maintenant une forme de patron à la Big Brother
avant l'heure (le roman d'Orwell étant publié en 1949),
ce qui prouve que malgré son aspect un peu "daté",
Les Temps Modernes demeure un film qu'on peut analyser en posant
sur lui un regard contemporain. Définitivement, Chaplin était
l'un des plus grands génies tout art confondu et Les Temps
Modernes est à ce jour le plus beau testament dont pouvait
rêver son Charlot.
Version française :
Les Temps modernes
Scénario :
Charles Chaplin
Distribution :
Charles Chaplin, Paulette Goddard, Henry Bergman,
Tiny Sandford
Durée :
87 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
25 Janvier 2006