MILLIONS (2004)
Danny Boyle
Par Jean-François Vandeuren
Le moins que l’on puisse dire, c’est que Danny Boyle aime
semer la pagaille dans les rouages de notre mode de vie où l’être
humain n’est pas dévoilé sous un jour très
attrayant. Après avoir questionner sur l’ordre de ses priorités
dans 28 Days Later, sur ses faiblesses mettant en péril
la stabilité d’une société, ou encore ses
moyens de défenses pour ne pas avoir à y faire face, Boyle
s’attaque cette fois-ci, un peu comme dans Shallow Grave,
à l’argent. Nous pourrions d’ailleurs qualifier ce
Millions de version allégée du premier film du
réalisateur britannique. Si Millions ne fait pas vraiment
dans la subtilité, il ne s’en cache aucunement d’ailleurs,
Boyle a de ce fait ralenti considérablement le pas pour une tournure
moins agressive qu’auparavant. Même qu’il se montre
cette fois-ci sous un jour un peu plus optimiste.
Nous suivons donc le périple de deux jeunes frères, Damien
et Anthony, récemment emménagés dans un nouveau
développement résidentiel et qui se retrouve un beau jour
avec un grand sac rempli d’argent sorti de nul part en apparence.
Damien, le plus jeune, très absorbé dans toutes les histoires
de saintetés, croit qu’il s’agit d’un don de
Dieu et qu’il doit l’utiliser dans le but de faire le bien
et ainsi aider les plus démunis. Anthony, quant à lui,
compte bien utiliser tout cet argent à des fins beaucoup plus
matérialistes. Parcours qui ne sera pas sans embuches lorsqu’ils
découvriront d’où provient réellement cette
immense somme d’argent, en plus qu’ils n’ont que quelques
jours avant que la Livre anglaise ne perde complètement sa valeur
au profit de l’Euro.
Pour Millions, Danny Boyle a fait équipe avec le scénariste
Frank Cottrell Boyce, acolyte de longue date du réalisateur Michael
Winterbottom dont il signa entre autre l’écriture des excellents
Code 46 et 24 Hour Party People. Le présent
récit effectue par contre quelques dérapages. On pense
notamment à la religion instauré à quelques reprises
comme figure de guide, ce qui n’est pas vraiment problématique
au départ, mais cette formule devient par contre un peu engourdissante
à mesure que le film avance. Certaines facettes de l’histoire
semblent de plus avoir été sacrifiées au profit
d’un récit cherchant beaucoup plus à faire passer
son message par le biais de scènes démonstratives, que
de réellement faire progresser parallèlement une histoire
de manière aussi soutenu, surtout en fin de parcours où
les évènements se précipitent un peu trop dans
toutes les directions et deviennent ainsi légèrement confus.
De son côté, Boyle n’a absolument rien perdu de sa
technique, même qu’il la réaffirme ici après
un bref passage plus ou moins convainquant au numérique dans
28 Days Later. Le réalisateur britannique revient donc
en force avec une illustration à la fois sobre et plus éclatée,
respirant le monde de l’enfance à travers ses couleurs
très vives et ses effets visuels surprenants comme la construction
d’une maison en accéléré ou une transition
entre deux scènes où la suivante s’empile sur la
précédente comme d’immenses cubes. Boyle parvient
donc à conférer un charme bon enfant à son film
par son visuel, mais aussi par le biais de ses interprètes, particulièrement
ses deux jeunes acteurs, dont Alexander Nathan Etel qui livre ici une
performance on ne peut plus attachante venant donner le ton à
l’effort.
Bref, Danny Boyle nous offre ici son œuvre la moins provocatrice
à ce jour. Il n’en demeure pas moins un effort bien intentionné
fait avec beaucoup de style, aspect que ce dernier a d’ailleurs
su adapter d’une belle manière pour l’occasion. Même
si ses fans y trouveront tout de même leur compte, il est clair
que Millions vise un public un peu plus jeune que ses habitués.
De ce fait, ce nouvel effort a de quoi à faire rougir bien des
productions moralisatrices sur les dangers du capitalisme destinées
aux enfants qui transpirent plus souvent qu’autrement une certaine
hypocrisie. L’arme de taille dans le cas du film de Boyle se terre
dans sa sincérité, mais également son audace. Millions
ne cherche donc pas à nous faire retomber en enfance, mais souligne
encore avec détermination l’un des nombreux facteurs nous
écartant du «droit chemin» à l’âge
adulte.
Version française : -
Scénario :
Frank Cottrell Boyce
Distribution :
Alexander Nathan Etel, Lewis Owen McGibbon, James
Nesbitt
Durée :
98 minutes
Origine :
Angleterre
Publiée le :
10 Avril 2005