MILLION DOLLAR BABY (2004)
Clint Eastwood
Par Louis-Jérôme Cloutier
Que se passe-t-il donc avec Clint Eastwood ? Historiquement confiné
dans son travail derrière la caméra à des drames
ou des suspenses à moitié réussis, ou carrément
ratés, voilà qu’il est pour une deuxième
année consécutive un sérieux aspirant au film de
l’année. Après le surestimé Mytic River,
place au surestimé Million Dollar Baby! Deux films coup
sur coup qui nous rappellent à quel point la critique américaine
peut être séduite très aisément par de la
poudre aux yeux. Mais attention, Million Dollar Baby est un
film respectable qui se hisse de justesse au-dessus de la mêlé,
un drame sportif satisfaisant et c’est là que s’arrêtent
les louanges. Comme le souligne avec justesse le critique Josh Bell,
il est étrange qu’autant de journalistes aient pu croire
que l’ennuyante sincérité du film est en fait quelque
chose de profond et de songé.
Clint Eastwood est Frankie Dunn, ou plus précisément le
personnage qu’il traine depuis une dizaine d’années.
Cette fois-ci, il est propriétaire d’un minable gymnase
d’un quartier défavorisé. Après que son plus
récent boxeur l’ait abandonné pour un gérant
ayant davantage d’aspirations, il prend sous son aile une boxeuse
devant les insistances de cette dernière. Débute alors
son entrainement qui découche sur la gloire, et la chute bien
entendu. Si cette partie risque d’en faire jaser plus d’un,
il s’agit certainement du seul moment où le film prend
des risques. Et du même coup, on présente à la perfection
le thème du film, celui d’aller au bout de ses rêves
et que tout est possible. Cependant, cette thématique est tout
sauf inédite, et n’offre tout simplement aucune réflexion.
Eastwood est l’entraineur vieux et grognon sans nouvelle de sa
fille depuis des années, et avec un sens de la subtilité
tout à fait incroyable, le scénario nous fait comprendre
que cette boxeuse vient combler ce vide. C’est pour cette raison
que la finale est émouvante, même si les ficelles du scénario
sont aussi visibles que des cordes servant à amarrer un paquebot,
on se laisse prendre au jeu. Il faut dire qu’Hilary Swank est
une bonne actrice qui insuffle une belle personnalisation à son
personnage. En plus, on ne retrouve pas l’habituelle fille malheureuse
à qui toutes les catastrophes surviennent, plutôt un personnage
déterminé qui ne se laisse pas écraser par le moindre
échec.
Si Eastwood est plutôt ennuyant durant la majeure partie du film,
on a déjà trop vu son personnage, d’autres sont
encore plus difficile à supporter tellement leur présence
est douteuse et leur composition caricaturale. Le prêtre, par
exemple, semble sortir d’une comédie alors que son seul
rapport dans l’histoire est de recevoir les questions d’Eastwood
sur la religion. On retrouve ensuite un personnage très secondaire
et très naïf qui croit pouvoir devenir un grand boxeur,
et lui aussi semble sortir d’une comédie. Et pour couronner
le tableau, on retrouve la famille de la boxeuse. Elle est nottament
composée d’une mère pauvre, obèse et détestable
et du frère qui vient de sortir de prison arborant plusieurs
tatouages et un casque de cowboy. Vous voyez le tableau? Que fait ce
genre de personnages dans un tel film? Aucune idée. Peut-être
le scénariste avait-il peur de faire un film trop sombre, puisqu’il
l’est déjà suffisamment? Mais cette panoplie d’humoristes
placés au mauvais endroit alourdit énormément le
film et allonge sa durée pour aucune raison valable.
Eastwood filme correctement, il ne fait jamais rien de vraiment mauvais
en fait. Juste assez pour plaire à tout le monde, et ça
fonctionne. Mais il est tellement difficile de résister à
ce récit tellement terre-à-terre et bourré de bonne
volonté. Les divers acteurs possèdent également
une très bonne chimie, l’attachement se crée à
notre insu. Heureusement que la plupart des clichés des films
sportifs sont évités, c’est bien la chose principale
permettant à Million Dollar Baby de berner tous ces
gens. Un film moyen dont on ne se souviendra plus dans quelques mois,
un jab sans grande force qui ne laisse aucune marque.
Version française :
La Fille à un million de dollars
Scénario :
Paul Haggis, F.X. Toole (nouvelle)
Distribution :
Clint Heastwood, Hilary Swank, Morgan Freeman
Durée :
137 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
21 Février 2005