MILA FROM MARS (2004)
Zornitsa Sophia
Par Jean-François Vandeuren
Cherchant à échapper à son ami de cœur, Alex,
qui semble la considérer beaucoup plus comme un objet qu’un
être humain, Mila, une adolescente de 16 ans également
enceinte, part sur un coup de tête se réfugier dans un
village bulgare en ruine où vivent encore paisiblement quelques
individus d’un certain âge. Ceux-ci évoluent ainsi
loin des nouvelles conventions sociales du pays et passent le temps
en parlant de tout et de rien et en fumant une partie de la marijuana
qu’ils cultivent pour Alex. L’arrivée de Mila viendra
évidemment chambouler les habitudes des villageois qui seront
tout de même sympathiques à la cause de la jeune fille
et feront tout en leur pouvoir pour l’intégrer à
leur mode de vie en lui offrant un certain confort pour qu’elle
soit apte à faire le point sur son existence et éventuellement
accoucher dans des conditions favorables. De bonnes intentions qui se
révèleront cependant quelque peu empoisonnées suite
à la naissance de l’enfant.
Pour son premier long-métrage, la cinéaste Zornitsa Sophia
tente d’amalgamer un discours social particulièrement bien
pensé se nourrissant d’une toile de fond nous plongeant
dans un décor d’après-guerre et de certaines références
bibliques, en particulier la naissance du Christ. Mila From Mars
effectue de cette façon le portrait d’une génération,
pour ainsi dire, abandonnée dans une réalité sociale
qui ne tente plus de l’aider et préfère la laisser
vivre une existence baignant dans l’absence de stabilité
et de repères fixes, attendant impatiemment de pouvoir mettre
en marche une reconstruction plus efficace avec la prochaine. Une situation
qui sera d’ailleurs énoncée assez clairement à
la naissance de l’enfant que les villageois nommeront symboliquement
Christo.
Le scénario, également signé Zornitsa Sophia, empruntera
par la suite une tangente qui semble d’ailleurs avoir été
l’un des thèmes forts de l’édition 2005 du
Festival du Nouveau Cinéma, à savoir un retour aux sources
et aux instincts de débrouillardise en dehors du confort à
l’occidental, mais qui ne découle pas nécessairement
dans ce cas-ci d’un choix personnel. Dans Mila From Mars,
il s’agit en fait d’une décision descendant en partie
d’une réalité à laquelle le personnage titre
et le professeur tente de faire abstraction vu leur manque d’appui
de la part du monde extérieur par rapport à leurs projets
de vie. La jeune réalisatrice mène sa barque en ce sens
grâce à une mise en scène élaborée
à partir de peu de moyen et d’une manière assez
instinctive, faisant part d’une qualité d’image assez
brute et de mouvements de caméra souvent saccadés. Le
tout reprend aussi un rythme inspiré du fameux Run Lola Run
de Tom Tykwer où Sophia tente de reproduire, principalement en
début de parcours, une dynamique assez similaire en ce qui a
trait au développement de l’histoire sur un fond de musique
techno. Par contre, afin de conserver un tel rythme, le film semble
avoir été coupé à différents endroits
pas nécessairement stratégiques. De ce fait, certains
éléments importants reliés à la progression
de l’intrigue semblent malheureusement manquants, particulièrement
pour ce qui est de la familiarisation de Mila avec son nouvel environnement.
Malgré une toile de fond souvent morne, nous plongeant dans un
univers qui ne laisse pas entrevoir le meilleur des futurs à
ses personnages, Mila From Mars progresse étonnamment
sur un ton toujours optimiste. Il est évidemment utile à
bien des égards d’être un peu familier avec la situation
politique dans laquelle fut plongée cette partie de l’Europe,
en particulier durant la guerre froide, afin de se mettre rapidement
en contexte. Mais pour ceux qui ne bénéficieraient pas
de telles connaissances, Zornitsa Sophia eue tout de même la brillante
idée de mettre en scène son histoire à l’aide
d’images et de décors assez explicites afin qu’un
public aussi large que possible puisse avoir accès à son
film. Cependant, ce premier effort nous laisse malheureusement l’impression
d’une œuvre incomplète, dans laquelle le développement
du récit aurait été maladroitement sacrifié
au profit du rythme par le biais de coupures nous détachant parfois
d’une façon assez significative autant du contexte que
des personnages. Les qualités de l’œuvre de Sophia
restent néanmoins évidentes dans un film dont la fin un
peu précipité reflète cependant parfaitement l’impression
sur laquelle Mila From Mars nous laisse dans son ensemble.
Version française : -
Version originale :
Mila ot Mars
Scénario :
Zornitsa Sophia
Distribution :
Vesela Kazakova, Assen Blatechki, Zlatina Todeva,
Yordan Bikov
Durée :
91 minutes
Origine :
Bulgarie
Publiée le :
18 Novembre 2005