MIAMI VICE (2006)
Michael Mann
Par Jean-François Vandeuren
Le moins que l’on puisse dire est que Michael Mann ne perd pas
de temps pour nous faire entrer dans la dynamique de son onzième
long-métrage. Après avoir fait le tour du globe des studios
Universal, Miami Vice démarre en trombe sans même
nous faire la grâce d’un générique d’ouverture
aussi haut en couleur que celui d’un James Bond, voire
d’un simple titre. Avec Miami Vice, Mann ne cherche visiblement
pas à rendre nostalgiques les fans inconditionnels de la série
télévisée. Le but de l’exercice est plutôt
d’aller là où le populaire feuilleton des années
80 ne s’était jamais risqué à aller auparavant.
Même s’ils arborent de nouveaux visages, le réalisateur
américain prend pour acquis que nous connaissons déjà
les personnages de James « Sonny » Crockett (Colin Farrell)
et Ricardo Tubbs (Jamie Foxx) de la série culte à laquelle
il contribua à la création. Miami Vice prend
ainsi les allures d’un long épisode au budget beaucoup
plus faramineux, nous amenant là où la série en
serait probablement aujourd’hui si elle ne s’était
jamais arrêtée, substituant les couleurs pastelles flamboyantes
de l’époque de tous les excès et de la surconsommation
pour un univers filmique beaucoup plus sombre et impitoyable.
Même s’il entretient le même goût pour le luxe
qu’autrefois, ce Miami Vice version 2006 se veut beaucoup
moins exubérant et souvent plus violent que par le passé.
Visuellement, Mann reprend exactement là où il nous avait
laissés au terme du Collateral de 2004 et poursuit ce
qu’il avait entrepris avec le formidable The Insider
en imprégnant sa signature d’un style extrêmement
direct. L’univers de Miami Vice est ainsi illustré
d’une perspective mettant parfaitement en valeur autant son côté
mondain que sale et vicieux. La technologie numérique s’avère
une fois de plus un atout exceptionnel pour Mann. Son utilisation se
veut d’autant plus courageuse dans ce cas-ci vu le monde auquel
le film fait référence, lequel est dépeint d’une
manière beaucoup plus sophistiquée d’ordinaire.
À l'opposée, le cinéaste s’en remit à
une mise en scène plus nerveuse, scrutant chaque lieu à
la recherche du plus petit détail par le biais d’un style
caméra à l’épaule faisant parfaitement la
transition entre l’abondance de gros plans approximatifs et les
plans d’ensemble beaucoup plus léchés.
Aux côtés de Heat et Collateral, Miami
Vice appuie l’une des thématiques de prédilection
de Mann où la ligne séparant la loi et le crime y est
souvent très mince. Ce point est principalement soutenu par une
intrigue amoureuse développée d’une manière
assez discrète entre les personnages de Crockett et la conseillère
financière d’un magnat de la drogue que nos deux héros
doivent amener au tapis. Mais contrairement à Heat,
le cinéaste américain ne cherche pas à approfondir
plus qu’il ne le faut la psychologie de ses personnages en entrant
dans des détails trop personnels. Mann ne perd pas son temps
à refaire les présentations et concentre unilatéralement
ses efforts sur le déroulement de son récit sans ne destiner
ce dernier qu’aux mordus de la série originale. Ce qui
tient à cœur au cinéaste avant toute chose, c’est
le déroulement de la mission que ses protagonistes doivent mener
à terme. Une initiative qui ne l’empêche toutefois
pas de développer ses séquences plus dramatiques de manières
captivantes sans s’en remettre forcément à une réponse
émotive exubérante de la part de ses personnages pour
les appuyer. Ce point définit d’ailleurs le jeu des acteurs
dans sa totalité, mais plus particulièrement celui de
Foxx et Farrell dont l’interprétation respective s’avère
extrêmement singulière tout en demeurant dans le ton voulu.
Mann a d’ailleurs souvent recours au non-dit dans sa direction
d’acteur, allant même jusqu’au point où il
parvient à rendre ses personnages complètement transparents.
Michael Mann livre au final un film réussissant là où
la grande majorité de ces adaptations échouèrent
lamentablement. Au bout du compte, le secret de Miami Vice
est celui d’un effort qui ne cherche pas désespérément
à renouer avec le passé et qui tente plutôt d’apporter
une toute autre dimension à la série originale. Effectuant
adroitement le pont entre les séquences plus brutales et celles
plus somptueuses, le film atteint même à l’occasion
des sommets aussi vertigineux que Heat. Ceux-ci apparaissent
toutefois à l’écran de façon beaucoup plus
disparate. Certaines scènes sont également complètement
gâchées par un choix de chansons souvent digne des films
d’action les plus douteux. Outre l’excellente bande originale
de John Murphy (28 Days Later) et la présence de deux
pièces du dernier Mogwai, c’est à une suite de chansons
rock un peu débiles brassées à la sauce Creed que
nous convie Miami Vice. Sans échapper à certaines
bavures au niveau du rythme et d’un scénario qui ne s’avère
pas toujours aussi dépouillé que ce à quoi Mann
nous a habitués par le passé, Miami Vice propose
tout de même un spectacle enlevant appuyé par un travail
tout à fait phénoménal au niveau du son, lequel
est particulièrement mis à profit lors des séquences
de fusillades. Un film prenant parfois un peu trop de libertés,
mais qui est malgré tout mené à bon port par son
maître d’œuvre.
Version française :
Deux flics à Miami
Scénario :
Michael Mann
Distribution :
Colin Farrell, Jamie Foxx, Gong Li, Naomie Harris
Durée :
134 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
12 Août 2006