MAURICE RICHARD (2005)
Charles Binamé
Par Frédéric Rochefort-Allie
Ce n'était qu'une question de temps! Après Séraphin,
Le Survenant, Aurore, Alys Roby, sans compter
les films sur la Nouvelle-France, les Patriotes et la crise d'octobre,
puis les prochains projets sur la Polytechnique et la vie de Gilles
Villeneuve, notre banque de mythes nationaux adaptés au cinéma
s'est vidée exponentiellement en l'espace de 10 ans. On se devait
cependant un jour ou l'autre d'oser aborder le grand hockeyeur, ne serait-ce
parce que la devise de notre province est "je me souviens".
Au sein de cette folie des adaptations biographiques et historiques,
Maurice Richard en est cependant l'une des plus réussies
et pertinantes dans l'histoire de notre cinéma.
Pour la troisième fois, Roy Dupuis enfile le célèbre
maillot numéro 9, le rôle semblant mystérieusement
lui être destiné depuis des années. Par son regard
fougueux, sa rigidité de béton cachant une profonde sensibilité,
Roy Depuis donne vie au Rocket! L'acteur brise l'image du "dur
à cuire" qu'on collait jusqu'alors à Maurice
Richard pour nous y faire découvrir un dur au coeur tendre
qui cache sa faiblesse pour réussir à surmonter sa misère.
C'est là une de ses plus sublimes performances au cinéma.
C'est la consécration aussi pour Julie LeBreton dans le rôle
de l'épouse de Maurice, puisque l'actrice complète à
merveille le jeu de son partenaire. En fait, Maurice Richard
regorge de bons acteurs, tant chez les comédiens de formation
que les humoristes. Même Mario Jean a pris du gallon comme acteur
depuis Monica La Mitraille. Bref, c'est impeccable d'un bout
à l'autre.
Adoptant les gros sabots des mégaproductions américaines,
le scénario de Ken Scott donne le ton d'un homme plus grand que
nature, d'une véritable légende... d'un mythe. Maurice
Richard est un film qui fait retentir de façon viscérale
notre fibre nationaliste. Le hockey est peut-être le sport national
de l'ensemble du pays, mais Maurice Richard est notre héros,
et c'est sur la lutte que mène le sportif pour sa reconnaissance
que se penche Scott. Le scénariste arrive à joindre avec
brio l'homme à l'icône, en relatant sa vie de ses débuts
douloureux à la grande manifestation qu'il a provoquée
involontairement. Aussi, plutôt que de construire de gigantesques
scènes d'action, le scénario se concentre sur la réaction
des Québécois et leur émergence de la Grande Noirceur
vers une fierté nationale. Pour avoir passé de la comédie
à un drame si émouvant, Ken Scott fait preuve d'une admirable
adresse dans son écriture, ce qui justifie son statut de superstar
du scénario.
Charles Binamé, lui, fait une fois de plus dans les mégaproductions
et continue de se transformer en notre Steven Spielberg ou Martin Scorsese
national : un cinéaste d'auteur qui s'est laissé séduire
par le cinéma commercial, tout en y apportant sa touche personnelle.
En ce sens, Maurice Richard est notre Raging Bull
ou Rocky québécois, un véritable classique
instantané! C'est sans aucun doute le plus grand film sur le
hockey, toute nation confondue. Binamé est ici beaucoup plus
inspiré dans sa réalisation qu'il ne le fut pour Séraphin.
Il fait preuve de génie dans l'intégration de fausses
images d'archives pour replonger le spectateur directement dans l'époque
souhaitée. L'effet est si hallucinant qu'on jurerait presque
qu'il s'agit d'extraits authentiques.
Malheureusement, Maurice Richard souffre d'une trame sonore
archi présente et surtout insipide. L'absence d'un thème
mémorable ne rend pas justice au héros puisque son nom
était scandé partout à l'époque. Plusieurs
scènes voient leur impact gâché par cette musique
parfois digne d'un soap américain. Michel Cusson n'est pas un
mauvais compositeur, mais sa passion semble s'être estompée.
Dommage.
Maurice Richard est peut-être la première méga-production
qui réussit à véritablement concilier popularité
et qualité. Comme film de hockey, le Rocket a tout pour
faire retourner les Boys au banc des joueurs, et comme fable
nationaliste, il "score" sur toute la ligne. Amateurs
de hockeys et/ou cinéphiles invétérés, Maurice
Richard est une grande oeuvre à ne pas manquer.
Version française : -
Scénario :
Ken Scott
Distribution :
Roy Dupuis, Michel Barrette, Mario Jean, Patrice
Robitaille
Durée :
124 minutes
Origine :
Québec
Publiée le :
1er Décembre 2005