THE MATRIX RELOADED (2003)
Andy Wachowski
Larry Wachowski
Par Jean-François Vandeuren
150 millions de dollars de budget. On a construit une autoroute pour
les seuls besoins du film. On disait que le deuxième opus allait
redéfinir le genre. Face à tout ce brouhaha, on pouvait
donc se demander si les frères Wachowski avait encore un message
à faire passer avec le second volet ou s’ils tomberaient
cette fois-ci dans la facilité en nous offrant une dose minimale
d’intelligence, se concentrant beaucoup plus sur l’action
et les effets spéciaux que sur le contenu dans ce qui ressemblerait
à une version quelque peu modifié de la structure du premier
volet. Malheureusement, ce deuxième opus y est allé avec
la deuxième option. Résultat : une machine imposante à
gros budget, mais sans âme. De quoi à réjouir les
propriétaires de mégacomplex de divertissement.
The Matrix Reloaded souffre au départ d’un grand
manque de cohérence. On se demande réellement qu’elle
est l’utilité des scènes d’action où
Neo décide de faire quelques séances de Kung Fu pendant
de très longues minutes quand, pourtant, il n’aurait qu’à
éternuer pour écraser ses adversaires. Je ne crois pas
non plus que lorsque la dernière ville humaine encore debout
est en grand danger il est réellement indispensable de perdre
son temps ainsi. On remarque aussi un énorme manque de substance.
Cela est aussi causé, bien malgré lui, par l’original,
car une fois qu’on a vu les effets "bullet-time", les
scènes d’arts martiaux, les intolérables ralentissements,
on est en droit d’exiger à ce qu’il y ait autre chose
à se mettre sous la dent, mais le film ne fait que tomber à
plat, car il ne semble pas avoir rien d’autre à offrir
sinon que quelques grandes lignes où l’on passe par quatre
chemins pour énoncer des principes philosophiques qu’on
avait déjà abordés vaguement dans The Matrix.
Au niveau des personnages, on ne peut que soupirer de voir un traitement
aussi sous-développé. Les acteurs jouent bien leur rôle
respectif, mais la faiblesse d'un scénario qui se concentre pratiquement
que sur Neo ne laisse pas la chance aux autres personnages de recevoir
un bon traitement. Si on leur avait donné un contexte respectif
dans le premier, cette fois-ci on a plus l'impression qu'il ne sont
que l'entourrage de Neo, ce qui est un peu agaçant. Surtout quand
on voit un personnage aussi charismatique que Morpheus tomber d'aussi
haut. Rien de bien convaincant au niveau des dialogues également.
Quand on ne tente pas de dérouter inutilement le spectateur,
on opte plutôt pour des phrases d’une imbécillité
déconcertante du genre : "on ne connaît vraiment quelqu’un
que lorsqu’on l’a combattu".
D'autre part, il ne faut pas se le cacher, il n’y a rien de révolutionnaire
ou même de nouveau à chercher au niveau de l’aspect
science-fiction du récit. Mais tout de même, ce qu’il
y avait de plaisant avec le premier, c'était que ses concepteurs
avait décidé de puiser dans des registres du genre beaucoup
moins exploités, ce qui en faisait un film qui sortait, en quelque
sorte, des sentiers battus pour une aussi grosse production; alors que
dans The Matrix Reloaded, on a décider d’aller
piger dans les archétypes surexploités venant des Star
Wars et Star Trek, de quoi à vraiment se demander
où est la soi-disant révolution qu’on nous avait
annoncée. On était en droit de s’attendre à
quelque chose de beaucoup plus novateur qu’encore des débats
houleux en assemblée sur la foi et l'incertitude par rapport
à l'avenir. D’autre part, le film souffre également
du syndrome développé par la plupart des grosses productions
hollywoodiennes des dernières années. C’est-à-dire
qu’on tourne, encore une fois, en rond. On attend encore au niveau
du cinéma de divertissement l'arrivée de nouvelles idées,
comme se fut le cas dans les années 1970, qui vont dérouiller
une machine qui s’affaiblit côté contenu dramatiquement
d’année en année. Et c'est bien dommage mais The
Matrix Reloaded contribue à cette descente. En effet, cette
fois-ci encore, mêmes les scènes d’actions sont,
comme c'est souvent le cas ces temps-ci (on a qu'à penser à
Terminator 3), redondantes. Bien sûr on va être
au bout de notre siège lors de la désormais célèbre
séquence de la poursuite, mais encore là, une poursuite
est l’élément clé de 99% des films d’actions.
On aurait franchement pu trouver mieux à mon avis. Et c'est d'autant
plus dommage quand on se remémorise la grande efficacité
des scènes d'action du premier, qui étaient beaucoup plus
humbles et réellement utiles du point de vue de l'histoire.
Bien évidemment, ce n’est pas un film complètement
bâclé. Il faut tout de même lui reconnaître
une certaine force au niveau du visuel, surtout au niveau de la photographie
qui reste assez soignée comme c’était le cas dans
le premier. Quelques choix de plans sont bien efficaces également.
Au niveau du montage par contre, on semble pas toujours être en
contrôle. Une des scènes qui aurait pu être forte
au niveau de la structure est malheureusement complètement détruite
par un montage incompétent. Au niveau de la musique, il y a de
quoi à s’ennuyer de Clubbed to Death. Pas grand
chose à se mettre sous la dent sinon la musique électronique
et quelque peu métal qu’on colle habituellement à
se genre d’images.
Bref, je suis sorti de The Matrix Reloaded avec malheureusement
un énorme sentiment de déjà vu et de réchauffé
d'un film présenté de façon extrêmement prétentieuse
au moyen d'une complexité totalement inutile. C’est triste
à dire, mais les frères Wachowski se sont tout simplement
planté sur toute la ligne. C’est à se demander si
les deux frangins ont réellement écrit le scénario
du reste de la trilogie en même temps que le premier, ou s'il
ne s’agirait pas plutôt que d’une formule de suite
exigée par les bonnes recettes récoltées par The
Matrix. Un film que j’aurais aimé aimer, mais duquel
je ne peux qu’être totalement déçu. Fort à
parier qu’il ne passera pas l’épreuve la plus importantes
pour un simple divertissement : celle du temps. Beaucoup de bruit pour
rien.
Version française :
La Matrice rechargée
Scénario :
Andy Wachowski, Larry Wachowski
Distribution :
Keanu Reeves, Laurence Fishburne, Carrie-Anne Moss,
Hugo Weaving
Durée :
138 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
15 Juillet 2003