MASTER OF THE FLYING GUILLOTINE (1975)
Yu Wang
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Le kung fu, les amis, il n'y a que ça de vrai dans la vie! Pourquoi
stimuler son cerveau à grand renfort de cinéma raffiné
lorsque l'on peut tout bonnement s'écraser confortablement dans
un gros divan pour admirer de splendides tornades de coups de poings
généreusement assaisonnées d'effets sonores formidablement
exagérés? Mais comment distingue-t-on le bon film de kung
fu du mauvais film de kung fu, vous demandez-vous? Comme pour le vin,
il faut goûter à tout et savoir garder l'esprit ouvert
afin d'aiguiser son esprit critique. Ainsi, l'oeil peu habitué
ne détectera pas du tout premier coup ce qui permet à
tel film d'être supérieur à tel autre. En fait,
c'est par un excès de personnalité distincte qu'un film
d'arts martiaux satisfaisant s'affirme et devient un classique du genre.
Ce sont les petits détails en grande quantité qui font
toute la différence; et Master of the Flying Guillotine
a du caractère à revendre. Voilà ce qui explique
pourquoi on en parle encore aujourd'hui, tandis que plusieurs films
de la même époque ont disparu dans les brumes du temps.
Nous sommes en 1730. La Chine s'anime au rythme d'une sanglante guerre
civile. Révolutionnaire redouté mais surtout guerrier
redoutable, le légendaire boxeur à un bras (Yu Wang) tue
lors d'un violent affrontement deux assassins chargés de l'éliminer.
Leur maître, un brutal moine aveugle versé dans l'art d'utiliser
la fameuse guillotine volante (Kam Kang), décide de venger la
mort de ses disciples. Arpentant sans relâche la campagne chinoise,
il élimine systématiquement tous les manchots sur son
passage sans faire la distinction entre sa cible et les innocents. La
piste de l'homme à un bras mène notre boucher et son génocide
sélectif jusqu'à un tournoi d'arts martiaux où
les tenants de divers styles de combats se rencontrent pour s'entre-tuer
sans arrière-pensée.
Fidèle au genre, Master of the Flying Guillotine enchaîne
les combats à un rythme hallucinant et ne connaît pas le
sens de l'expression «temps mort». Ici, les ellipses sont
dépourvues de valeur poétique: leur seul objectif est
d'accélérer le rythme d'un film qui n'aspire au final
qu'à nous étourdir à grand renfort de chorégraphies
virevoltantes. Courtoisie de Lau Kar Leung, plus tard réalisateur
du célèbre Drunken Master II mettant en vedette
Jackie Chan, celles-ci combinent humour et haute-voltige avec un plaisir
palpable. Ne reste plus alors qu'une cascade continue d'action, propulsée
au rang de cinéma mémorable par le charisme indéniable
d'une galerie de personnages aussi excentriques qu'uniques. Du maître
du yoga aux longs bras en passant par le Thaïlandais dansant, le
film de Yu Wang ne cesse jamais de surprendre grâce à son
bestiaire déluré.
Même la musique est franchement mémorable: le maître
de la guillotine volante est annoncé par un grincement industriel
insistant et menaçant, tandis qu'ailleurs les synthétiseurs
hurlent et s'accaparent tout l'espace sonore que n'ont pas déjà
clamés des combats bruyants à souhait. Master of the
Flying Guillotine est excessif et tapageur, mais il a de l'énergie
à revendre. Si vous l'approchez en espérant subtilité
et ingéniosité, vous êtes tombé sur la tête.
Mais sa violente fureur physique déborde par tous les pores d'une
esthétique complètement déjantée.
Pour toutes ces raisons débiles, il est bien difficile de résister
aux charmes de ce succès culte aujourd'hui considéré
par plusieurs - dont l'expert en la matière Quentin Tarantino
- comme l'uns des fleurons de la période post-Bruce Lee du cinéma
populaire d'Hong Kong. Chose certaine, Master of the Flying Guillotine
déborde de séquences d'action qui, enchaînées
à une vitesse absurde, saisissent parfaitement comment divertir
leur public. Cet artifice qu'est le scénario est un luxe que
ce film se permet de contourner avec cran pour se plonger directement
dans le vif du sujet: les combats ont par le fait même droit à
toute l'attention de la caméra. Dans ce genre de film un peu
trash, c'est exactement ce que l'on espère. Bref, les amateurs
de coups de poing hautement sonores et de chorégraphies extravagantes
trouveront ici de quoi sustenter leur appétit quinze fois plutôt
qu'une sans passer par l'entremise de pastiches sans âme. N'acceptez
aucune imitation; l'original a bien meilleur goût.
Version française :
Le Maître de la guillotine volante
Version originale :
Du bi quan wang da po xue di zi
Scénario :
Yu Wang
Distribution :
Yu Wang, Kang Kam, Chung-erh Lung, Chia Yung Liu
Durée :
93 minutes
Origine :
Taiwan
Publiée le :
6 Février 2007