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MASKED AND ANONYMOUS (2003)
Larry Charles

Par Alexandre Fontaine Rousseau

Il n'est pas rare que la tentative d'un chanteur populaire à jouer les acteurs se solde en échec. Ce n'est pas nécessairement par manque de talent et ce n'est pas non plus parce que le public ne porte pas attention à ce genre d'essais que les films en question ne mènent à rien. Mais quelque chose du geste irradie l'estime de soi enflée. L'expérience cinématographique devient expérience égocentrique, et l'ensemble sombre dans l'histoire du cinéma tout comme dans la carrière de l'artiste comme une tentative d'en faire trop à réserver au genre de fanatiques dont le sens critique s'est fortement dégradé. Le Masked and Anonymous de Larry Charles est un film sur et pour Bob Dylan. Ce sont les chansons et la vie de l'homme qui nourrissent cette fable apocalyptique. Et, malgré un nombre étonnant de caractéristiques intéressantes, on peut dire en toute franchise qu'il entre dans la catégorie des échecs.

Pourtant, on ne peut s'empêcher de trouver que le film a un je-ne-sais-quoi qui intrigue et charme dès les premières images. Jusqu'à la fin de cette épique épopée se déroulant dans une Amérique dictatoriale plongée en pleine révolution, on se prend à croire à maintes reprises que le film de Charles prendra enfin une direction cohérente. Malheureusement, la rédemption espérée ne se matérialise jamais. Masked and Anonymous s'éparpille dans toutes les directions possibles sans jamais que son propos ne prenne une forme digeste. Tout le monde ici parle en vers et en paraboles, et ce n'est pas cette tendance à vouloir donner une connotation mythique à chaque instant de ce qui sert d'intrigue qui va rendre le tout moins ésotérique.

En fait, le côté chaotique de la production est directement proportionnelle aux ambitions du scénario. À la fois autobiographie, critique brouillonne du mythe du rock, attaque en règle contre le régime américain actuel, commentaire cynique sur le passage du temps et satire du monde des médias, Masked and Anonymous perd ses énergies à force de trop vouloir en dire dans une même phrase. Un promoteur de spectacles usé (John Goodman) décide d'organiser un spectacle-bénéfice pour les victimes de la révolution qui secoue l'Amérique. Le problème, c'est qu'il n'arrive à dénicher qu'un vieil artiste oublié au nom prophétique de Jack Fate (Dylan).

Dès lors, les évènements inusités se bousculent à l'écran sans que rien ne semble vraiment se produire. Fate est le fils de l'actuel président, croise Val Kilmer en Jim Morrison zoologue et entretient avec lui une conversation hautement métaphysique sur... quelque chose de bien difficile à définir. De son côté, un vieux journaliste plein de hargne (Jeff Bridges) tente de démonter le mythe du chanteur sans que l'on comprenne réellement ses motivations. Sa jolie copine (Penélope Cruz) le suit partout sans vraiment faire quoi que ce soit et Christian Slater interprète un technicien qui a au plus cinq répliques. Vous aurez compris que la distribution est une incroyable galerie de has-been hollywoodiens réunis autour du personnage de Dylan.

Confus et intriguant, Masked and Anonymous est pourtant beaucoup plus facile à critiquer qu'à détester. Car bien que les obscurs symboles se multiplient sans qu'une explication ne pointe le bout de son nez, la plume inimitable de Dylan signe chaque réplique de cet étrange objet. À l'instar des meilleures chansons de l'artiste, Masked and Anonymous s'exprime en énigmes. Le problème, au bout du compte, c'est qu'on se demande sincèrement s'il y avait ici ne serait-ce qu'une réponse à dénicher...




Version française : -
Scénario : Bob Dylan, Larry Charles
Distribution : Bob Dylan, Jeff Bridges, Penélope Cruz, John Goodman
Durée : 112 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 23 Mai 2005