MAN OF THE YEAR (2006)
Barry Levinson
Par Jean-François Vandeuren
La mise en marché de Man of the Year annonçait
un vent de fraîcheur dans la carrière de Barry Levinson,
qui tentait ici de faire oublier l’échec retentissant de
son Envy, ainsi qu’un retour aux sources pour Robin Williams
qui n’avait pas eu la chance de mettre ses talents d’humoriste
au service d’un scénario intelligent depuis un bon moment
déjà. La différence est toutefois énorme
entre la comédie grandiloquente que tentait de nous vendre la
bande-annonce et ce qui fut remis au final entre les mains du spectateur.
L’arnaque amena évidemment son lot de déceptions
chez tous ceux espérant un divertissement de la trempe d’un
Good Morning, Vietnam, ce qui finit par nuire grandement au
succès commercial d’un film que la critique s’empressa
d’étiqueter comme étant une œuvre qui ne respectait
aucunement ses promesses. Pourtant, cette publicité frauduleuse
appuie en soi parfaitement le discours que tient ici un Barry Levinson
remettant fortement en question l’appareil politique d’un
pays où l’illusion de démocratie perpétrée
tous les quatre ans au début novembre prends désormais
beaucoup plus les traits d’un cirque médiatique émotif
et manipulateur que d’un réel débat d’idées.
C’est ce que découvrira à ses dépens Tom
Dobbs (Williams), le populaire animateur d’un talk-show de fin
de soirée, lorsqu’il décidera de se présenter
comme indépendant aux présidentielles américaines.
Désireux de ne pas être considéré comme une
simple farce, Dobbs essaiera dans un premier temps de présenter
à la population un programme politique cohérent et articulé.
Ce dernier se rendra toutefois compte que ce que désirent réellement
les électeurs est une figure sympathique qui saura les charmer
et les rassurer. Contre toutes attentes, Dobbs sera élu. Mais
une technicienne informatique doutera de la légitimité
du nouveau système de votation mis sur pied par sa compagnie
pour faciliter la lourde tâche à laquelle doit se soumettre
le peuple américain à chaque élection. Tiraillée
entre son éthique personnelle et l’avenir de sa compagnie
qui pourrait être grandement compromis si une telle nouvelle était
révélée au grand jour, cette dernière tentera
malgré tout d’informer le futur président de la
situation. La technicienne devra toutefois faire face à ses patrons
qui seront évidemment prêts à tout pour la réduire
au silence.
Les prouesses narratives du réalisateur américain au ton
doux-amer sont rapidement mises à profit pour appuyer autant
l’apport dramatique que comique de son œuvre. Les dialogues
et les interactions entre ses différents personnages ne paraissent
ainsi jamais forcés et sont d’ailleurs défendus
par une distribution aussi à l’aise qu’un poisson
dans l’eau. Si Levinson n’est pas forcément un grand
architecte sur le plan visuel, ce dernier prouve tout de même
qu’il a encore énormément de flair pour mettre sur
pied des univers filmiques fluides et réalistes qui semblent
évoluer à la fois si près et si loin de la caméra.
Le cinéaste tente toutefois un bien curieux mélange cette
fois-ci en unissant des genres aussi diamétralement opposés
que la comédie dramatique et le film à suspense. Comme
nous pouvions nous y attendre, Man of the Year dérape
à quelques occasions au niveau de l’enchaînement
des scènes qui s’avère parfois un peu trop abrupte,
ce qui affecte du coup le rythme que ces deux tangentes bien distinctes
tentent de s’imposer l’une à l’autre. Une situation
que Levinson ne pouvait en soi pas vraiment éviter vue la nature
de sa mise en situation.
L’un des points les plus notables du présent effort demeure
par contre la façon dont Barry Levinson réussit à
aller au-delà du simple cas du comique pris au dépourvu
qui doit désormais faire face à de nouvelles responsabilités
envers et contre tous, comme c’était le cas par exemple
dans le Dave d’Ivan Reitman. Si le cinéaste cafouille
à quelques reprises au niveau de la forme en reprenant plusieurs
éléments classiques du thriller politique, ce dernier
défend tout de même intelligemment un discours sur la force
de l’économie sur un système politique ignorant
complètement la voix d’un peuple qui évolue dans
la noirceur depuis la création d’un certain Patriot Act.
De son côté, Robin Williams trouva finalement un juste
milieu entre ses récents rôles plus dramatiques et ses
quelques rares retours à la comédie dans des productions
insignifiantes qui ne s’avèrent jamais à la hauteur
de son talent. L’acteur livre ainsi une performance comique époustouflante
tout en sachant s’adapter au ton plus sérieux du film le
temps venu. Il s’agit en soi de la ligne de pensée d’un
effort qui, à défaut d’offrir une satire de l’union
des appareils politique et médiatique aussi saisissante que celle
d’un Wag the Dog, soulève néanmoins les
bonnes questions par le biais d’une démarche artistique
un peu laborieuse, mais qui n’en demeure pas moins directe et
efficace.
Version française :
L'Homme de l'année
Scénario :
Barry Levinson
Distribution :
Robin Williams, Christopher Walken, Laura Linney,
Lewis Black
Durée :
115 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
17 Avril 2007