MANNERS OF DYING (2005)
Jeremy Peter Allen
Par Louis-Jérôme Cloutier
Film à minuscule budget complété en seulement quelques
jours, Manners of Dying est un exercice de style tout à
fait singulier et rafraichissant. Loin des montées dramatiques
déjà explorées au cinéma américain,
l’œuvre de Jeremy Peter Allen offre une réflexion
sur la peine de mort d’un point de vue original. Le tout est adapté
d’une nouvelle de Yann Martel, auteur plus connu pour Life
of Pi. Roy Dupuis y incarne Kevin Barlow, un homme condamné
à mort par injection léthale. Quelques heures avant le
moment fatidique, il demande une dernière volonté au directeur
de la prison. Il souhaite que les vidéos de son exécution
soient transmises à sa mère. Ne sachant pas quelle décision
prendre, le directeur de la prison Harry Parllington dicte une lettre
expliquant les derniers moments de Barlow à sa mère. Mais
ce récit se voit modifié constamment dévoilant
les dernières heures de Barlow sous un jour radicalement différent
à chaque reprise.
En effet, le concept central du film est que l’exécution
de Barlow est répétée à plusieurs reprises,
d’où le titre original Manners of Dying, maladroitement
traduit par L’Éxécution. Si le code de
procédure de la prison demeure sans cesse le même et est
parfaitement respecté, chaque nouvelle exécution se déroule
de façon distincte au gré des humeurs de Barlow. Il est
tantôt en crise de rage hurlant son innocence, d’autres
fois en pleurs de repentis et même parfois en hilarité
totale. Ce petit exercice, si ce n’est qu’il devient évidemment
un peu répétitif, offre des possibilités rarement
explorées. On passe à travers différents aspects
de la peine de mort à travers les réactions du personnage
de Roy Dupuis. Dans sa phase de rébellion, on se questionne véritablement
à savoir s’il est effectivement coupable et si on assiste
à une profonde injustice. Une autre exécution nous fait
croire en le désir de vivre, Barlow est en larmes devant l’arrivée
imminente de sa mort, peut-on vraiment enlever la vie à une personne?
Et comme questionnement supplémentaire, on retrouve à
nouveau Barlow qui cette fois-ci appréhende avec excitation son
exécution, n’ayant plus rien à faire de la vie et
désirant terminer les choses au plus vite. Est-ce cette fois
pour nous dire qu’après tout la vie ne possède pas
une si grande valeur? Ainsi, Manners of Dying passe à
travers des cheminements qui touchent des émotions différentes
et provoquent des réactions différentes, du drame à
la comédie.
Tout cela n’aurait été possible sans plusieurs facteurs
parvenant à accomplir la réussite du film. Roy Dupuis,
l’un des plus talentueux acteurs québécois, se glisse
parfaitement dans la peau d’un personnage dont la psychologie
est constamment modifiée. Tout en adhérant à des
réactions drastiquement différentes, Roy Dupuis crée
un Barlow qui reste fondamentalement le même homme. Lui et Serge
House se livrent à une confrontation psychologique des plus passionnante.
Ce dernier se démarque également par son jeu stoïque
et ferme. Son personnage est le parfait complément à cette
histoire, un homme qui obéit à un règlement bien
précis et qui refuse de s’écarter de la procédure,
offrant un miroir face à l’absurdité de l’exécution.
Jeremy Peter Allen travaille évidemment avec un budget des plus
modestes. Or, le film fait preuve d’imagination, la mise en scène
de l’exécution étant constamment renouvellé
alors que d’autres moments se déroulent presque toujours
de la même façon afin de contribuer à la répétition
constante des mêmes évènements alors que ce ne sont
que les réactions de Barlow qui changent. Excellant à
démontrer et à entrechoquer des thèmes toujours
différents de la peine de mort, Allen s’adapte parfaitement
à tous les changements de ton, et cela s’applique également
aux excellentes compositions d’Éric Pfalzgraf.
Définitivement, Manners of Dying est une très
belle surprise qui mérite une bonne main d’applaudissement.
Un film aussi audacieux est une véritable bénédiction,
un des bons exemples que les meilleurs films sont parfois accomplis
avec presque rien. Le Québec devra veiller à garder Roy
Dupuis sur son territoire le plus longtemps possible, cet acteur polyvalent
risque encore de nous ébahir dans les années à
venir. Jeremy Peter Allen devient immanquablement un réalisateur
prometteur qu’il faudra surveillé. Si Manners of Dying
n’est qu’un aperçu de son talent, on ne peut que
saliver devant ses prochains projets.
Version française :
L'Exécution
Scénario :
Jeremy Peter Allen, Yann Martel (nouvelle)
Distribution :
Roy Dupuis, Serge Houde, Tony Robinow, Vlasta Vrana
Durée :
104 minutes
Origine :
Québec
Publiée le :
24 Mars 2005