MAËLSTROM (2000)
Denis Villeneuve
Par Frédéric Rochefort-Allie
Maelstrom par définition signifie une tempête,
un tourbillon dans un courant marin. Inconsciemment, Denis Villeneuve
ne savait pas que ce titre si hors du commun allait servir de métaphore
au succès que connut son long-métrage. Des prix Genie,
aux prix Jutra, l'effet que provoqua Maelström ne connut
pas de semblable jusqu'à l'apothéose que furent C.R.A.Z.Y.
et Les Invasions Barbares. Souvenez-vous-en bien, car pendant
plusieurs années, le mot servant de titre au film se glissa dans
le vocabulaire d'une bonne partie des Québécois. Ce fut
un raz de marée !
Lorsqu'un film commence par la narration d'un vieux poisson à
la veille de rencontrer le couteau de son bourreau, portant la voix
rauque de Pierre Lebeau, il faut être aveugle pour ne pas remarquer
qu'il s'agisse d'une oeuvre hors du commun! Maelstrom est complètement
dominé par l'eau, car tout rappelle à l'univers aquatique.
Denis Villeneuve a fait de cet élément la signature de
son film. La direction photo d' André Turpin par exemple, l'un
de nos grands génies du visuel, nous laisse baigner dans des
teintes turquoise et froides. Dommage qu'on ignore son travail, car
il apporte une allure léchée tout simplement parfaite
pour chaque film sur lequel il travaille. Sans le constater, plusieurs
resteront béats, non-pas devant le cadrage de Denis Villeneuve,
mais bien devant le résultat du travail d'André Turpin.
Le poisson est aussi au centre de cette histoire. Une jeune femme ayant
heurté par accident un poissonnier se demande quoi faire à
la suite de cet assassinat involontaire. Des événements
plus ou moins inusités suivront, la menant à rencontrer
directement le fils de l'homme qu'elle a tué. Même si c’en
est l'intention première de Denis Villeneuve, l'absurdité
de l'intrigue la rend difficilement appréciable. Malgré
l'aspect fantastique qui réussit à nous charmer, force
est d'admettre que le cinéaste maîtrise bien plus l'ambiance
générale de son film, en alliant un humour noir grinçant
à une réalisation sombre et soutenue par l'aspect mystérieux
de la voix de Tom Waits.
Le réalisateur a aussi le mérite de nous faire véritablement
découvrir Marie-Josée Croze, du moins, dans un rôle
plus étoffé qu'à l'époque de comédies
comme La Florida. L'actrice est captivante d'un bout à
l'autre du film, et arrive à soutenir notre attention tout au
long de l'oeuvre tout en surpassant les autres actrices de sa génération
par un jeu franc possédant une énergie unique. Il s'agit
ici du premier grand pas dans sa carrière. Malheureusement, Jean-Nicolas
Verrault n'est pas du même calibre. Son personnage tombe à
plat plutôt rapidement et semble terriblement fade, faute aussi
d'une écriture paresseuse au niveau de son personnage.
Bref, si Sundance a accueilli Denis Villeneuve à bras ouvert
grâce à Maelstrom, c'est surtout, car son film
fut au premier rang de la « révolution » qui s'opère
sur le cinéma québécois au cours des dernières
années. Son film n'est peut-être pas parfait, mais il fait
néanmoins partie des piliers de cette réaffirmation de
notre identité à travers la culture cinématographie.
On attend toujours le grand retour du cinéaste, qui n'a jamais
plus montré signe de vie, tant comme scénariste que comme
réalisateur. Ce cinéaste est aussi le grand responsable
derrière 32 août sur terre, lui aussi acclamé
un peu partout. Denis Villeneuve, où vous cachez-vous?
Version française : -
Scénario :
Denis Villeneuve
Distribution :
Marie-Josée Croze, Jean-Nicolas Verreault,
Stéphanie Morgenstern
Durée :
87 minutes
Origine :
Québec
Publiée le :
25 Août 2006