MAD CITY (1997)
Costa-Gavras
Par Frédéric Rochefort-Allie
Chaque jour, chaque fois que vous ouvrez la télévision
ou votre journal, l'information que vous percevez est soigneusement
manipulée et sélectionnée en fonction des cotes
d'écoutes. Pensiez-vous véritablement que le journalisme
est un médium objectif? Quand on constate que le sort du monde
se résume en 30 minutes au téléjournal, il y a
lieu de s'interroger sur la sélection des nouvelles qu'on juge
de haute importance et de leur traitement, qui doit justement synthétiser
une situation en quelques minutes. Le Mad dans le titre, c'est
la soif vampirique des journalistes pour le sensationnalisme.
Désirant une augmentation de salaire, Sam Baily (John Travolta)
prendra en otage les clients à l'intérieur du musée
pour lequel il occupe le poste plutôt ironique de gardien de sécurité.
Sur place pour un reportage qui s'annonçait minable, Max Brackett
(Dustin Hoffman), le journaliste, se fera le médiateur entre
le criminel et ses collègues de presse.
Ce film réalisé par Costa Gavras n'arrive pas à
la hauteur des attentes. Le cinéaste, s'étant établi
comme un provocateur de controverse tente de faire une démonstration
de l'emprise des médias sur le cours des évènements
et de leur effet mobilisateur. Démontrer le quatrième
pouvoir comme un monstre incontrôlable qui agit consciemment pour
ses propres intérêts. L'une des rares excellentes scènes
démontre de façon concrète le montage effectué
afin de concocter un reportage qui a du punch. L'idée
de base étant géniale, le traitement de cette histoire
par le point de vue du journaliste qui aide le criminel à tenter
de se sortir de la frénésie médiatique vient créer
une bipolarité primaire entre les deux camps. Le journaliste
incarné par Dustin Hoffman représente le bien et ses pourris
de collègues qui ne pensent qu'à leur emploi sont les
méchants. La critique devient rapidement un thriller et les sujets
les plus songés sont vites écartés pour laisser
place à cette histoire de prise d'otage. Il faut bien vendre
son pop-corn, répliquerait Costa Gavras, quand on dispose de
deux stars du cinéma de l'époque.
Mais les deux têtes d'affiche que sont John Travolta et Dustin
Hoffman n'auront rien changé. Travolta qui avait connu un renouveau
incroyable en 94 avec Pulp Fiction amorce avec Mad City
la pente plutôt abrupte qui le mènera que quelques années
plus tard au fond du baril. C'est avec un ridicule plutôt marqué
qu'on le retrouve ici à faire «l'homme désespéré»,
jouant grossièrement et de façon théâtrale.
Le naturel manque terriblement et c'est fort regrettable pour un thriller
qui tente d'humaniser ce criminel qui devient la victime de tout ce
cirque médiatique. Heureusement, à ses cotés se
trouve l'acteur chevronné qu'est Hoffman. Mais à la différence
de Wag the Dog, sorti environ dans les mêmes années,
l'acteur ne se surpasse pas et ne tente d'aucune façon que ce
soit de prendre un quelconque risque dans son interprétation.
Tout est calculé.
À la grande déception d'un bon nombre de cinéphiles,
Costa Gavras ne trouvera son prochain sujet de contreverse que quelques
années plus tard avec Amen. Il a donc manqué
une occasion en or d'observer le traitement des médias sous le
regard des idéologies de l'école de Francfort, qu'il a
malheureusement transformé en thriller à sauce hollywoodienne.
Comme le fait le téléjournal, Costa Gavras règle
donc le cas des médias en 114 minutes, sans provoquer de profondes
réflexions. La déception synthétiserait bien l'ensemble
de l'oeuvre.
Version française :
Reportage en direct
Scénario :
Tom Matthews, Eric Williams
Distribution :
John Travolta, Dustin Hoffman, Mia Kirshner, Alan
Alda
Durée :
114 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
30 Avril 2005