THE MACHINIST (2004)
Brad Anderson
Par Jean-François Vandeuren
Film se positionnant dans la plus pure tradition des cauchemars psychologiques
où le personnage d’avant plan tente par tous les moyens
de faire la part des choses entre le réel et ce qui ne l'est
plus, The Machinist du réalisateur Brad Anderson semblait
néanmoins partir avec une certaine longueur d’avance sur
ses prédécesseurs grâce à sa vedette d’avant
plan, Christian Bale. En fait, ce n’est pas tant le nom de l’acteur
figurant au générique que la métamorphose des plus
effrayantes à laquelle ce dernier s’est adonné pour
entrer dans la peau de son personnage qui venait faire de cet opus une
quasi valeur sure. Car si un acteur de la trempe de Bale était
prêt à sacrifier son physique, voire même sa santé,
pour un projet de si petite envergure d’un point de vue budgétaire,
la prémisse devait forcément en valoir les sacrifices.
Ce dernier endosse donc ici les traits squelettiques de Trevor Reznik,
un machiniste qui n'a pas fermer l'oeil depuis plus d'un an et qui,
par conséquent, semble réellement avoir la peau sur les
os. Suite à un accident de travail dont il fut malgré
lui responsable et qui arracha le bras d'un de ses collègues
de l'usine, ce dernier commencera à croire au développement
d’un complot revanchard surréaliste contre sa personne,
ce qui le fera peu à peu entrer dans une démence paranoïaque
de plus en plus excessive.
Anderson peut fortement remercier Christian Bale de s’être
lui-même soumis à une diète exagérée
qui lui aura fait perdre environ 63 livres, soit le tiers de la masse
corporelle habituelle de l'acteur. Néanmoins, et le réalisateur
et le scénariste méritent une bonne part des éloges
attribuables au résultat final. D’une part, Anderson est
parvenu à élaborer un univers cauchemardesque des plus
raffinés en se basant sur le développement d’un
suspense somme toute fort conventionnel en son genre, mais intégré
à une formule proposée avec finesse et imagination. L’apport
esthétique de The Machinist bénéficie
à la base d’une composition de plans sobres et fignolés
avec une finesse remarquable dans laquelle vient se fondre l’incroyable
photographie signée Xavi Giménez et Charlie Jiminez, contribuant
largement à l’atmosphère glauque et contagieuse
empreinte de l’industrialisme auquel le film fait référence.
Reste que c’est avant tout pour Christian Bale que l’on
se souviendra longtemps de The Machinist. L’acteur britannique
ne se contente pas ici d’exposer à l’écran
sa transformation physique impressionnante, quoique horrifiante, il
développe sous cette emballage sombrement modeste une composition
psychologique intrigante, visiblement dépassée par des
évènements antérieurs, dont il joue les cartes
avec une retenue foudroyante.
De ce fait, le jeu de Christian Bale vient parfaitement servir la cause
scénaristique du film. Partant d'une facture aux rebondissements
adroitement exécutés, mais néanmoins bien connus,
la valeur substantielle de l’effort monte allègrement d’un
cran par la manière dont le personnage de Reznik semble envahir
la trame narrative du film d'Anderson. De cette façon, The
Machinist ne s’en tient pas qu’à l’exploitation
d’un suspense devant absolument s'appuyer sur l’effet de
surprise de son dénouement et parvient à mettre en scène
de façon audacieuse ses rouages dominés par une tangente
plus psychologique. En plus d'une atmosphère de paranoïa
déjà palpable grâce à l’ingéniosité
technique de Brad Anderson et son équipe, le scénario
de Scott Kosar propose une belle incursion dans un esprit tourmenté
par un sentiment de culpabilité l’en tenant prisonnier.
Kosar vient ainsi habilement utiliser les caractéristiques du
personnage incarné par Bale pour en faire les thèmes de
son intrigue. C’est d'ailleurs en grande partie par l'entremise
de cette initiative que sa finale se dévoilera comme une des
plus satisfaisantes, alors que le scénariste sera parvenu tout
au long du film à brouiller les pistes sous nos yeux tout en
exposant subtilement plusieurs indices pour en appuyer le sens.
The Machinist est ainsi un effort qu’il faut savoir garder
en tête un certain temps suite à son visionnement afin
qu’il mûrisse dans notre esprit et que la rigueur des idées
évoquées puisse être dévoilée. Le
coup d’éclat du film demeurera néanmoins l’enveloppe
squelettique de Bale se retrouvant à l’opposé total
du très fin et découpé Patrick Bateman d’American
Psycho. Brad Anderson nous livre ainsi une intrigue prenante qui,
sans nécessairement les dépayser, ravira les fans de Lynch,
Hitchcock, ou du Memento de Christopher Nolan.
Version française :
Le Machiniste
Scénario :
Scott Kosar
Distribution :
Christian Bale, Jennifer Jason Leigh, Michael Ironside
Durée :
102 minutes
Origine :
Espagne
Publiée le :
30 Novembre 2004