LUPIN THE THIRD : THE CASTLE OF CAGLIOSTRO
(1979)
Hayao Miyazaki
Par Jean-François Vandeuren
Deuxième adaptation cinématographique entièrement
animée de la populaire série japonaise Lupin the Third,
The Castle of Cagliostro marquait également les débuts
au grand écran d’Hayao Miyazaki. Il s’agissait en
soi d’un pas logique dans la carrière du cinéaste
qui avait déjà coréalisé la première
série des aventures du second descendant du célèbre
personnage de Maurice Leblanc. Miyazaki n’était toutefois
pas attaché au projet dès le départ, les commandes
duquel ayant déjà été confiées à
Seijun Suzuki. Insatisfait des écrits de ce dernier, le coréalisateur
de The Secret of Mamo, sorti un an plus tôt, et directeur
de l’animation du présent effort, Yazuo Ôtsuka, demanda
à Miyazaki d’écrire une toute nouvelle histoire
en plus de mener le projet à terme à titre de réalisateur.
À sa sortie, The Castle of Cagliostro fut un échec
retentissant, les fans n’ayant pas particulièrement apprécié
l’abandon du ton plus cynique et mature de la série au
profit d’un récit destiné à un public beaucoup
plus jeune. Un accueil mitigé qui n’empêcha toutefois
pas la production de faire son bout de chemin et de devenir quelques
mois plus tard le premier anime de l’histoire à
être présenté au prestigieux Festival de Cannes.
Nous retrouvons donc le personnage créé par Kazuhiko Katon
et son acolyte Jigen à la suite d’un vol couronné
de succès qui aurait normalement dû leur remplir les poches
pour plusieurs vies entières. Le duo découvrira toutefois
assez rapidement que tout l’argent qu’il vient de dérober
est faux et serait lié à une mystérieuse organisation
originaire d’un minuscule état européen répondant
au nom de Cagliostro. Armé de son absence totale de témérité
et de son égo démesuré, Lupin tentera de faire
la lumière sur cette histoire tout en cherchant évidemment
le moyen de tourner le tout à son avantage. Il sera une fois
de plus confronté à son éternel rival, l’inspecteur
Zenigata - avec qui il sera toutefois forcé de collaborer s’il
désire éviter la prison - alors que le justicier devra
pour sa part compter sur les talents de l’habile cambrioleur pour
résoudre une affaire vieille de plusieurs siècles. Entre
temps, Lupin tentera de sauver la pauvre Clarice d’un mariage
forcé avec un sinistre comte dont le château à la
fine pointe de la technologie et la petite armée de sous-fifres
n’ont absolument rien à envier à ceux des adversaires
les plus nantis de l’agent 007. C’est que la bague de la
jeune femme en question serait la clé d’une énigme
menant à un trésor inestimable dont on perdit la trace
à la fin du quinzième siècle.
Vu le bassin de population principalement visé par le présent
effort, il est normal que ses artisans cherchèrent à capter,
et surtout à conserver, l’attention de leur auditoire en
élaborant un récit soutenu fort en rebondissements et
en séquences d’action de toutes sortes tout en accordant
une attention particulière à la qualité de sa mise
en image. Miyazaki mit ainsi sur pied un univers truffé d’éléments
kitsch et de références plus ou moins subtiles à
l’oeuvre de Maurice Leblanc en transposant d’une manière
enjouée plusieurs éléments communs à bon
nombre de récits épiques et d’aventure dans un contexte
moderne. Le cinéaste japonais ne lésine d’ailleurs
pas sur les coups de théâtre abracadabrants qu’il
va même jusqu’à situer dans un cadre historique réel
en articulant ceux-ci autour d’une logique d’un ridicule
parfaitement assumé. Et comme le présent effort est issu
d’une série télévisée qui était
déjà bien ancrée dans l’imaginaire collectif
nippon, The Castle of Cagliostro prend une forme épisodique
carburant aux autoréférences dans laquelle les différents
personnages sont introduits en quatrième vitesse par un Hayao
Miyazaki prenant parfois un peu trop pour acquis que tous ceux qui s’intéresseront
à son film seront forcément familiers avec les origines
de celui-ci. Ce dernier réussit néanmoins à rendre
le résultat final accessible à tous en inscrivant tous
ces éléments dans un cadre narratif particulièrement
dynamique où rien ne semble superflu et dans lequel même
ses propres protagonistes seront parfois complètement dépassés
par les événements.
Si la qualité de l’animation dans The Castle of Cagliostro
s’avère plus que convenable, le style de celle-ci demeure
néanmoins quelque peu anonyme. Il faut dire que le présent
effort fut complété en à peine quatre mois de travail
avant d’être catapulté dans les salles de cinéma
nippones quelques semaines plus tard. Miyazaki et son équipe
durent évidemment couper les coins ronds à certains endroits
afin de respecter leurs échéances, en particulier au niveau
du nombre d’images défilant à l’écran
à chaque seconde et, par conséquent, de la fluidité
de certaines séquences. Mais ces derniers parvinrent malgré
tout à mettre un peu de poids dans la balance en affichant un
souci du détail particulièrement impressionnant pour ce
qui est de la confection des environnements et des arrière-plans.
Le film d’Hayao Miyazaki s’alimente également de
la désinvolture et de l’humour gamin n’obéissant
à aucune loi logique ou physique qu’exploitaient déjà
plusieurs séries animées de l’époque, rapportant
avec un malin plaisir les nombreux excès de confiance de son
personnage titre à qui tout (ou presque) semble réussir.
Ce premier long-métrage ne possède évidemment pas
la finesse des efforts subséquents d’Hayao Miyazaki. Mais
ce dernier profita malgré tout de l’occasion pour présenter
une griffe des plus prometteuses en plus d’introduire certains
tics qui allaient devenir au fil des ans de véritables marques
de commerce. The Castle of Cagliostro se veut donc une première
oeuvre stimulante, mais mineure dans une filmographie aussi stellaire
que celle de ce grand rêveur qui allait changer à jamais
la face du cinéma d’animation.
Version française :
Le Château de Cagliostro
Version originale :
Rupan sansei : Kariosutoro no shiro
Scénario :
Hayao Miyazaki
Distribution :
Yasuo Yamada, Eiko Masuyama, Gorô Naya, Sumi
Shimamoto
Durée :
110 minutes
Origine :
Japon
Publiée le :
29 Août 2008