LOUIS 19, LE ROI DES ONDES (1994)
Michel Poulette
Par Frédéric Rochefort-Allie
Il y a eu Wilfred, Annie, Corneliu, Marie-Mai, Justin & Kelly
et toute une bande de prénoms qui sont rapidement devenus des
marques de commerce. Il y a eu de véritables batailles à
savoir si tel individu doit être expulsé plutôt qu'un
autre. Il y a eu des gens qui se sont attachés profondément
à d'illustres inconnus. Mais avant toute chose, il y a eu Louis
19, le film prophète de la nouvelle ère télévisuelle:
la télé-réalité.
Louis (Martin Drainville) est un pur inconnu qui se voit rapidement
devenir une star internationale lorsqu'il devient la tête d'affiche
d'une émission de télé-réalité: 7
jours sur 7, 24 heures sur 24.
Louis 18, tout comme ses ancêtres, détenait une grande
gamme de pouvoirs: législatif, politique, économique etc.
C'était alors une époque où la noblesse dirigeait
le peuple. Louis 19, c'est le reflet d'un changement social
où le média devient le quatrième pouvoir. Ce film,
qui fut ensuite grossièrement adapté par Ron Howard, s'est
lui-même fait critique de ce mouvement qui ne prit forme que quelques
années plus tard. Il y a donc maintenant plus de dix ans, les
scénaristes de Louis 19 ont dépeint une société
qui se gave de télé-réalité, la jugeant
représentative d'une réalité qui cependant se voit
fortement biaisée par l'attrait du pouvoir médiatique.
Une société où un personnage issu d'un milieu social
ordinaire devient le centre d'intérêt des médias,
faisant la première page des journaux. Illustré par une
caricature de la Bande des Six (une émission qui regroupait
des critiques qui détruisaient ou vantaient une oeuvre en moins
de temps qu'il n'en faut pour crier lapin), l'univers des critiques
et des journalistes se fait sévèrement accuser d'opportunisme,
changeant d'opinion pour se marginaliser de la société
et profitant justement de ce quatrième pouvoir pour tenter de
détruire un individu qui leur fait de l'ombre. On trouve chez
Louis 19 un portrait étonnant de chaque aspect qui compose
cette nouvelle télévision.
Mais avant d'être une satire, Louis 19 est avant tout
une comédie et c'est là tout son problème. Peut-être
dans un souci de rejoindre le plus de gens possible, quand le film ne
critique pas l'univers médiatique, on y retrouve des gags mous
et vides qui sont bien loin de l'ère glorieuse du réalisateur
Michel Poulette, qui nous avait jusqu'alors habitué à
de grands moments d'humour en compagnie de Rock et Belles Oreilles.
L'ironie, c'est qu'à force de se faire juge de la production
télévisuelle québécoise, Louis 19
tombe rapidement dans un ton mélodramatique guimauve qui rappelle
un mauvais soap.
Avec Martin Drainville, Dominique Michel, Yves Jacques, Gaston Lepage,
Benoît Brière, Joël Legendre, René Richard
Cyr et même Chantal Francke, Michel Poulette a tenté d'aller
chercher la crème de la crème pour faire une comédie
réussie. Cette distribution est en effet composée d'un
grand nombre d'habiles comédiens, mais le problème c'est
qu'il ne suffit pas de saupoudrer son film de différents caméos
amusants pour en faire une recette accomplie, encore faut-il savoir
cuisiner ses comédiens, les diriger. Chez Martin Drainville et
Dominique Michel, aucun problème car les comédiens ont
beaucoup d'expérience dans le champ de la comédie. Derrière
toute cette brochette d'acteurs, on y trouve des comédiens comme
Agathe De La Fontaine, qui incarne la copine de Louis, qui sont d'un
fade et d'une paresse surprenante au niveau du jeu. Le contraste entre
le jeu de Drainville et de cette dernière est si grand que leur
duo fait malheureusement ridicule. Au lieu de se concentrer sur ses
comédiens fétiches, Michel Poulette aurait du se concentrer
sur les personnages qui sont essentiels à son récit. Car
à la différence d'un sketch, le film doit se diriger quelque
part au travers des 95 minutes et c'est avec les personnages principaux
que le spectateur fait le voyage.
Au bout du compte, même si vous n'aimez pas Martin Drainville,
croyez-vous sérieusement que Matthew McConaughey puisse lui être
supérieur? Il vaut toujours mieux de visionner le Louis original
plutôt que se taper le Ed américanisé. Loin d'être
la comédie la plus réussie produite au Québec,
le film de Michel Poulette est d'une grande nécessité
dans notre cinéma national pour son habile satire du quatrième
pouvoir et du phénomène de la télé-réalité
qui prend de plus en plus d'ampleur. Même s'il est guimauve, le
film Louis 19 est maintenant une référence mondiale,
ayant été précurseur entre autres du Truman
Show, et le demeurera tant qu'on nous offrira des Justin &
Kelly.
Version française : -
Scénario :
Sylvie Bouchard, Émile Gaudreault
Distribution :
Martin Drainville, Dominique Michel, Gilbert Lachance
Durée :
95 minutes
Origine :
Québec
Publiée le :
30 Avril 2005