THE LORD OF THE RINGS : THE FELLOWSHIP OF THE
RING (2001)
Peter Jackson
Par Jean-François Vandeuren
Se lancer dans l’adaptation cinématographique d’une
série, sinon de LA trilogie de bouquins la plus populaire et
acclamée du siècle dernier se voulait être une aventure
qui relevait tout simplement du masochisme pour le cinéaste qui
prendrait la barre d’un tel projet. Il ne faut pas se le cacher,
mettre sur pellicule l’imaginaire de J.R.R. Tolkien devait se
traduire par rien de moins que la perfection dans l’orchestration
de ses moindres détails. Aucune demi-mesure n’était
permise vu les attentes extrêmement élevées que
le film allait devoir rencontrées et satisfaire auprès
des millions de fans de l’univers de la Terre du Milieu et du
public en général. Il est d’autant plus évident
que des coupures allaient devoir être faites, des passages laissés
de côté, des évènements modifiés pour
le bien de la cause, car une adaptation cinématographique calquée
de l’œuvre de Tolkien est pratiquement impossible à
réaliser. La tâche est donc revenue à un réalisateur
néo-zélandais peu connu du grand public à l’époque
en la personne de Peter Jackson, et on le sait depuis maintenant deux
ans: le résultat n’a aucunement déçu.
À moins de s’être terré dans les recoins sombres
d’un sous-sol mal éclairé à manger de la
nourriture en conserve et à éviter comme la peste la lumière
du jour pendant les deux ou même cinquante dernières années,
je crois que tout le monde sait désormais de quoi il en retourne
quand on parle de Frodo, du petit objet circulaire indestructible en
dehors de Mount Doom et de la communauté qui fut créée
pour mener à bon terme cette quête classique du bien contre
le mal à travers les différents recoins de la Terre du
Milieu.
Comme décrit plus haut, il s’agit ici d’une adaptation,
soit de la vision d’un réalisateur d’une oeuvre écrite
plusieurs décennies auparavant. Il est donc normal que le cinéaste
imprègne ce récit d’une empreinte qui lui est propre.
Mais faire la critique de l’épopée de Jackson tient
désormais de l’inutile. Aucun écrit ne pourra jamais
décrire toute la finesse d’une telle oeuvre. Certes, je
tenterai de faire de mon mieux en en soulignant les points que je louange
le plus en ce qui a trait à ce premier opus d’une trilogie
extraordinaire, mais je ne pourrai alors qu’effleurer la question.
Tout d’abord, ce qui épate le plus, c’est la précision
chirurgicale avec laquelle tous les éléments furent traités
aussi infimes soient-ils. Quand on pense que Jackson a dû reprendre
certaines scènes une trentaine de fois seulement pour que l’intonation
verbale des acteurs soit parfaite à ses yeux, il y a de quoi
à se réjouir que le projet ne tomba pas entre les mains
d’un réalisateur qui aurait pu transformer l’oeuvre
de Tolkien en une immense fresque inutile rappelant les déboires
d’un Mummy Returns par exemple. Aucune inquiétude
à avoir ici, des petits détails de ce genre, que ce soit
au niveau des costumes, des décors majestueux, des accessoires
reproduits jusque dans les plus petites gravures elfiques, etc., le
film en regorge et c’est ce qui fait de The Fellowship of
the Ring un très long métrage épique aussi
efficace et en même temps indispensable au cinéma actuel.
Difficile de se rappeler à quand remonte le dernier grand chef
d’oeuvre qui plut à tous, tout en possédant des
qualités réellement indéniables. Bercé par
un jeu global des acteurs n'étant rien de moins qu'hallucinant
en des termes expressifs et de chimie, toujours dans le bon ton, où
ces derniers disparaissent complètement pour laisser une place
entière à leur personnage respectif de sorte qu'on oublie
les Elijah Wood, Ian McKellen et Viggo Mortensen, et que l'on voit que
les Frodo, Gandalf, Aragorn, et par un développement narratif
d’une beauté incomparable. C’est bouche bée
que nous sommes témoins de ce mariage fabuleux où s'entremêlent
admirablement dialogues d’une grande richesse et un visuel à
couper le souffle, où pour une fois le CGI ne prit pas une place
prédominante à l’écran, mais fut plutôt
utilisé qu’en dernier recours.
D’un point de vue technique, que dire de plus pour décrire
l’oeuvre que pratiquement parfaite. Il est tout de même
étrange que la tâche revint à un réalisateur
responsable de plusieurs petits bijoux hilarants de série B tel
que Bad Taste, Brain Dead et Meet the Feebles.
Mais à en voir le résultat, on est aveuglément
porté à croire qu’aucun autre cinéaste n’aurait
pu rivaliser avec Peter Jackson. Son travail est stupéfiant à
tous les niveaux. On ressent aisément par ce qui se veut être
de la véritable poésie à travers ses plans dynamiques
et extravagants où le travelling règne en roi, sa dévotion,
sa passion pour son oeuvre de telle façon que la magie en est
que rehaussée sans cesse. C’est tout simplement un travail
colossal bourré d’imagination (dans les deux sens du terme)
et relevé d’une audace de plus en plus rare de nos jours
auquel nous assistons à ce niveau. De plus, Jackson réussit
à bien gérer les effets transitoires entre les diverses
atmosphères, parfois très anodines, parfois extrêmement
sombres, en en changeant du même coup sa signature visuelle. Dans
cet ordre d'idées, beaucoup se joue également par le biais
de la photographie et des contrastes de lumières et de couleurs.
D’autre part, que seraient ces images sans la musique? Le compositeur
Howard Shore sert ici de bras droit à Jackson en livrant une
trame sonore mémorable, orchestrée de façon classique
tout en réussissant à aller piger dans plusieurs registres
d’influences pour en faire une signature musicale se tenant debout
aisément d'elle-même.
Bref, Jackson a réussi avec ce premier opus à rassurer
énormément de gens en réalisant haut la main un
chef d’oeuvre d’une richesse visuelle et lyrique incontournable.
Une énorme production épique qui redonne un peu espoir
de revoir à l’avenir un niveau de professionnalisme, d’originalité
et d’extravagance dans les productions les plus couteuses. Les
débuts envoutants d’une saga aux fans conquis d’avance.
Justice fut rendue. Tolkien en aurait été fier.
Version française : Le Seigneur des anneaux : La Communauté
de l'anneau
Scénario : Peter Jackson, Frances Walsh, Philippa Boyens
Distribution : Elijah Wood, Ian McKellen, Christopher Lee, Viggo
Mortensen
Durée : 178 minutes / 208 minutes (version allongée)
Origine : États-Unis, Nouvelle-Zélande, Allemagne
Publiée le : 25 Décembre 2003
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