LOST IN LA MANCHA (2001)
Keith Fulton
Louis Pepe
Par Frédéric Rochefort-Allie
« Rêver un impossible rêve, pour atteindre l’inaccessible
étoile… »
Dans les déserts de la Manche, un homme à la tête
remplie de rêves et de poésie, erre en compagnie de son
fidèle compagnon, habillé d’une armure de pacotille
et monté sur un cheval anorexique. L’un des plus grands
personnages de l’histoire de la littérature : Don Quichotte
De La Mancha. Quelle ne fut pas notre surprise quand Gilliam annonça
il y a de cela plusieurs années qu’il travaillerait sur
sa propre adaptation de l’œuvre magistrale de Cervantès.
C’est comme si le chevalier à la triste figure avait trouvé
un second père, pour le mener cette fois dans le royaume du cinéma,
pour combattre les moulins à vents que représente Hollywood.
Mais le destin n’en fut pas ainsi et le projet échoua.
Des cendres naquit un film, un «un-making-of» comme les
cinéastes Keith Fulton et Louis Pepe aiment bien le décrire
et le terme est effectivement exact.
À l’avant plan de ce projet se trouve un homme, le maitre
Gilliam, heureux comme un poisson dans l’eau de porter à
l’écran l’œuvre qui fut comparée à
l’ensemble de sa filmographie. À l’aide d’une
habile réalisation et d’un montage judicieux, le réalisateur
devient extrêmement attachant et il nous peine de le suivre dans
sa désillusion. Suivant pas à pas la colère des
dieux qui s’abat sur le projet, nous devenons témoins d’une
des pires conditions de tournage à jamais. C’est alors
que se confirme deux parallèles : la ressemblance de Terry Gilliam
avec l’univers de Fellini (voir 8 1/2) et celle entre
le chevalier de la Manche. Les deux documentaristes préfèrent
développer sur la seconde voie, nous racontant les échecs
du cinéaste par une scène d’animation qui n’est
pas sans rappeler l’excellent Hamster Factor, documentaire
sur la création de 12 Monkeys. Du peu d’images
tournées, il nous est possible de saliver à la vue de
quelques plans, nous laissant bêtement dans l’attente d’un
film qui ne verra peut-être jamais le jour. Quelle révélation
est-ce, que de voir Jean Rochefort vêtir l’armure qui le
concrétise comme l’incarnation même d’un héros
sur papier. Mais la déception nous prend bien vite quand il est
saisit par son hernie. C’est d’ailleurs ce qu’expriment
les documentaristes tout au long de l’œuvre, la malédiction
de Don Quichotte.
Bref, ce film s’adresse uniquement aux cinéphiles. Si vous
n’êtes pas intéressés à la destruction
d’un film et d’un cinéaste, n’y pensez même
pas. Une immense déprime nous saisi à la fin d’un
visionnement, quand on pense que pendant que Gilliam se fait poignarder
par ses producteurs, d’autres font des films insipides. Au moins,
Gilliam fait partie de ces rares visionnaires qui défendent le
cinéma en tant qu’art et qui osent défier les moulins
à vent.
Version française : Perdus dans La Mancha
Scénario : Keith Fulton, Louis Pepe
Distribution : Terry Gilliam, Johnny Depp, Jean Rochefort, Bernard
Bouix
Durée : 93 minutes
Origine : Angleterre, États-Unis
Publiée le : 16 Décembre 2003
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