THE LORD OF THE RINGS (1978)
Ralph Bakshi
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Universellement détestée par le genre de maniaques de
Tolkien qui accuseront plus tard la trilogie de Peter Jackson d'être
incomplète, cette tentative inachevée amorcée par
Ralph Bakshi d'adapter le mythique livre fondateur de la littérature
fantastique n'est vraiment pas aussi médiocre que certains ne
voudraient le faire croire. En fait, c'est quelque part entre la nonchalance
de cette sympathique version et les boursouflures épiques de
celle de Jackson que se trouve l'adaptation parfaite du Seigneur
des Anneaux. À presque tous les niveaux, ce que réalisa
en 1978 le réalisateur des cultes Wizards et Fritz
the Cat s'inscrit aux antipodes des populaires blockbusters du
néo-zélandais, ce faisant à la limite le miroir
des défauts de cette récente version. Bref, les qualités
de cette version s'avèrent les lacunes de la populaire version
oscarisée et vice versa. Vous voyez le genre.
Voici à tout le moins un véritable exercice d'efficacité
narrative auquel nous convie dans le cas présent Bakshi. Pensez-y!
En une heure et quart, le voici ayant livré les grandes lignes
de La Communauté de l'Anneau, chose que Jackson prend
pour sa part 208 minutes à faire. Pour ceux qui tiennent à
le savoir, Gandalf a sauvé Helm's Deep in extremis des armées
de Saroumane après seulement deux heures et quart lorsque le
réalisateur doit terminer son film.
D'emblée, le style visuel de Bakshi ne plaira pas à tous.
Évolution directe de l'esthétique explorée dans
Wizards, ce Seigneur des Anneaux vaguement psychédélique
et quelque peu bordélique exploite sans gêne la fameuse
technique de la rotoscopie qui en irrite plusieurs. Pourtant, l'effet
cauchemardesque que permet celle-ci, entre l'hyper réalisme et
la fantaisie pure, sied à merveille aux inquiétants Nazguls.
Ce qui frappe aujourd'hui est l'incongruité et l'imprévisible
qualité des scènes réalisées à partir
de techniques d'animation traditionnelles. À ce niveau, les variations
dans la qualité sont incroyablement marquées. C'est beaucoup
d'amour qui fut investi dans cette adaptation, à défaut
de pouvoir y investir talent et argent.
Ainsi, la finition de l'ensemble relève parfois d'une esthétique
«budget sympathique» et s'inspire en d'autres moments d'un
dessin «style maison» qui déplaira aux perfectionnistes
en tous genres. Imparfaite, cette version du Seigneur des Anneaux
évite toutefois les interminables discours moralisateurs de la
série de Jackson pour se concentrer sur l'enchainement efficace
d'une suite d'évènements clés des deux premiers
livres de la trilogie. Ne versant pas dans le genre de succession de
scènes épiques qui finissaient par épuiser le spectateur
dans la version de Jackson, Bakshi préfère un rythme régulier
qui s'essouffle malheureusement en fin de parcours lorsqu'il doit clore
aussi vite que possible son film.
Malheureusement, Bakshi n'aura jamais pu terminer son projet et Le
Retour du Roi ne vit jamais le jour. Il devient donc difficile
de juger justement ce film solitaire et incomplet. À tout le
moins, son Lord of the Rings initial se termine sur une note
satisfaisante et boucle la boucle autant que possible. Comme si Bakshi,
conscient de l'insuccès potentiel de son film, avait voulu le
rendre auto-suffisant. Le calme semble ainsi rétabli, à
tout le moins pour un certain temps, lorsque l'on quitte pour de bon
cette Terre du Milieu animée. À défaut d'avoir
su égaler le livre, Bakshi en aura livré une interprétation
valable.
Version française : Le Seigneur des Anneaux
Scénario : Peter S. Beagle, Chris Conkling, J.R.R. Tolkien
(romans)
Distribution : Christopher Guard, William Squire, Michael Scholes,
John Hurt
Durée : 132 minutes
Origine : États-Unis
Publiée le : 5 Juin 2005
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