LIVE FREAKY! DIE FREAKY! (2004)
John Roecker
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Au-delà des détails scabreux et de l'aspect scandaleux
de l'évènement, le meurtre de Sharon Tate et l'arrestation
subséquente de Charles Manson resteront à jamais gravés
dans la mémoire collective comme étant les symboles ultimes
de la chute brutale de l'idéalisme hippie. À partir de
ce moment précis, le mouvement sera associé aux sombres
rituels sataniques et aux excès violents d'esprits brulés
par le LSD plutôt qu'aux rêves de paix et d'harmonie. Raconter
de la façon la plus vulgaire possible les exploits de Charles
Manson et de sa notoire famille, tel est le défi que s'est établi
pour Live Freaky! Die Freaky! le cinéaste américain
John Roecker. Question d'accentuer l'absurdité et la nature délirante
du projet, Roecker aura décidé de présenter le
tout grâce aux merveilles de l'animation en stop-motion.
Seule ombre au tableau, l'autrement plus intelligent Team America:
World Police des créateurs de South Park, distribué
à grande échelle, aura damé le pion au film du
cinéaste underground par l'entremise du réseau commercial.
Du même coup, Live Freaky! Die Freaky! perd de son effet
de surprise et de sa puissance subversive. D'autant plus qu'il n'arrive
jamais à égaler la débilité ou la férocité
de la sauvage satire du duo Stone/Parker. À l'image des punks
de centre d'achat qui prêtent leur voix aux personnages de cette
fresque ambigüe, Live Freaky! Die Freaky! est un fac-similé
de contre-culture aux dents mal aiguisées qui voudrait réitérer
les exploits de John Waters mais se contentera en fin de compte de singer
le maitre du cinéma trash.
Ce n'est pourtant pas l'effort qui manque. Live Freaky! Die Freaky!
offre une avalanche de dialogues salaces, d'animations obscènes
et de meurtres sanglants servis sur fond d'occultisme et de sacrilège
et se voudrait une attaque ouverte contre le christianisme et le puritanisme
américain. Mais l'effet de choc espéré ne se ressent
qu'à moitié, tandis que la critique parfois juste est
dissoute dans le tourbillon d'un déluge d'idioties gratuites
qui amusent très rarement. Le mauvais gout abonde mais semble
à la limite convenu, à l'image de cette tentative de transformer
le tout en grotesque comédie musicale. On a finalement l'impression
que tous les trucs qu'emploie le film de Roecker ont déjà
été faits.
Certes, l'approche crue et simpliste au personnage de Manson, ici rebaptisé
Hanson pour des raisons légales, permet bel et bien de livrer
quelques gags amusants sur l'ineptie évidente de ses sermons
ainsi que sur la facilité de sa philosophie manipulatrice. De
même, l'idée de faire de cette sombre figure du vingtième
siècle le nouveau messie d'un univers post-apocalyptique par
l'entremise de la découverte de ses écrits n'est pas mauvaise.
Mais l'esthétique DIY et sale du film n'arrive pas à cacher
un manque flagrant d'inspiration de la part de ses créateurs
qui n'accouchent que de quelques moments visuellement réellement
inspirés et d'une quantité négligeable de scènes
intéressantes.
Banni dans plusieurs festivals américains et entouré d'un
parfum de scandale à demi mérité, Live Freaky!
Die Freaky! est peut-être le pamphlet ultime du nouveau mouvement
punk américain: une satire épuisée et nihiliste
d'une société absurde qui n'arrive par ailleurs jamais
à s'en affranchir véritablement. John Roecker arrivera
peut-être à exciter et choquer quelques adolescents avec
son film, mais les habitués du cinéma trash trouveront
relativement fade cette excursion peu inspirée dans l'univers
du mauvais gout de bas-étage.
Version française : -
Scénario :
John Roecker
Distribution :
Billie Joe Armstrong, Tim Armstrong, Rob Aston,
Travis Barker
Durée :
80 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
25 Juillet 2005