THE LIMEY (1999)
Steven Soderbergh
Par Louis-Jérôme Cloutier
De nombreuses personnes ont découvert Steven Soderbergh avec
ses plus récents succès comme Ocean's Eleven
et Traffic. Cependant, ce talentueux réalisateur nous
offre de véritables bijoux depuis bien plus longtemps. The
Limey est un film plutôt méconnu qui mériterait
amplement davantage de notoriété. Sorti discrètement
en 1999, ce suspense à parfum psychologique est un véritable
délice. En effet, bien que le scénario soit plutôt
conventionnel, The Limey amène une bouffée de
fraicheur au genre grâce à la touche bien particulière
de Soderbergh.
Ce film est avant tout la quête d’un homme qui recherche
vengeance. Terence Stamp interprète le rôle d’un
père hanté par le souvenir de sa fille, morte loin de
lui. Convaincu que le tout n’est pas un accident, il se met sur
les traces de Terry Valentine, le petit ami de sa fille depuis plus
de cinq ans. Bien que le fondement semble classique, Soderbergh sait
comment tourner une histoire en la traitant de façon originale.
Dès le départ, on voit bien que tout n’est pas noir
ou blanc. Il n’y a aucun grand héros dans The Limey
et le personnage principal apprend au cours du film qu’il n’est
pas différent des gens qu’il pourchasse. Un autre bon exemple
est la fin extrêmement bien choisie dans ce cadre en restant sobre
tout en nous laissant à une sorte de réflexion personnelle.
Usant de plusieurs techniques, d’un montage parfois déroutant
et de flashblacks judicieusement placés, Soderberg crée
un suspense différent dans la forme. Parfois, un dialogue portant
sur le même sujet se déroule dans deux scènes différentes
et l’on change constamment de l’une à l’autre.
Pour leur part, les personnages sont des gens ordinaires placés
dans des situations extrêmes. Même Terry Valentine nous
apparaît diablement humain au lieu de l’habituel dément
que l’on rencontre dans ce genre de produit. Soderbergh nous montre
ses personnages sous d’autres jours et dans différentes
perspectives. Parfois, l’histoire semble changer de point de vue
et passer par la vision d’une autre personne. Maitrisant habilement
sa caméra, le réalisateur nous surprend à chaque
détour par des plans terriblement bien choisis qui nous démontrent
bien que l’on peut facilement faire quelque chose de nouveau dans
un genre déjà surexploité. Le scénario est
tout de même très bien monté, mais c’est le
talent de Soderbergh qui fait la force de l’ensemble de l’œuvre.
Cet homme transforme en or tout ce qu’il touche. Il peut même
diriger avec une très grande efficacité ses comédiens
afin de nous montrer tout leur talent, mais aussi faire des personnages
secondaires plus vivants et mieux intégrés au récit.
Il n’y a que Peter Fonda dont je n’ai pas aimé la
performance puisqu’il me semblait un peu trop figé et semblait
se croire dans un mauvais film d’action des années 1970.
Mais si l’on retourne à la réalisation, certaines
scènes sont mémorables pour leur précision et la
façon dont le réalisateur utilise sa caméra qui
est parfois à l’épaule. On reconnaît évidemment
certaines caractéristiques des films de Soderbergh dont la façon
de filmer les dialogues nous rappelant parfois Sex, Lies & Videotape
alors que l’on tente d’aller plus profondément dans
les pensées des protagonistes.
Il faut ajouter que The Limey contient une bande sonore absolument
parfaite collant parfaitement au film. Parfois, on utilise des succès
populaires et d’autres fois seulement un rythme léger de
piano afin d’accentuer le côté suspense. Je suis
convaincu que l’ambiance de ce film vous collera à la peau
tout comme le style de Soderbergh. Pourquoi est-ce que j’insiste
autant sur le travail du réalisateur? Tout simplement parce que
tout le film porte sur son talent. Placé dans les mains d’un
autre, ce film aurait été un autre suspense reproduit
des centaines de fois. Le scénario n’aurait pas eu la même
valeur et n’aurait pu être valorisé et amélioré
par les choix du réalisateur. Bien entendu, The Limey
n’est pas un film parfait puisque le scénario de Lem Dobbs
emprunte parfois certains chemins questionnables nuisant un peu à
la cohésion. Aussi, certaines personnes seront peut-être
importunées par le caractère majoritairement stylisé
du film. Par contre, je le répète, bien que le scénario
ne soit pas davantage que moyen, la façon de nous le présenter
en fait un film à voir absolument.
Version française :
Le Limier
Scénario :
Lem Dobbs
Distribution :
Terence Stamp, Luis Guzman, Nicky Katt, Peter Fonda
Durée :
89 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
30 Juillet 2003