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THE LIFE AQUATIC WITH STEVE ZISSOU (2004)
Wes Anderson

Par Jean-François Vandeuren

Wes Anderson est un de ces cinéastes qui aligne au fil de ses films certaines idées et concepts bien précis. Du même coup, son approche cinématographique séduira à coup sûr les fans conquis d’avance ou vous fera sortir de la salle à peine trente minutes après le début des hostilités. Son quatrième film ne fera sans doute pas exception à la règle puisqu’il s’adresse ici précisément aux cinéphiles déjà épris de sa vision. Avec The Life Aquatic with Steve Zissou, le réalisateur conserve autant sa signature visuelle que sa plume alignant drame à un humour des plus particuliers auxquelles il nous avait initié avec Rushmore et The Royal Tenenbaums. Anderson nous invite cette fois-ci à monter à bord du Belafonte, navire mythique de l’équipe Zissou, une organisation d’océanographes se spécialisant dans la mise en scène de documentaires scrutant les fonds marins mené par Steve Zissou (Bill Murray), capitaine arborant curieusement les traits du célèbre Jacques-Yves Cousteau, à qui le film est d’ailleurs dédié. Cette équipe extravagante part donc à la recherche d’un mystérieux requin-jaguar qui a dévoré le plus fidèle ami et coéquipier de Steve Zissou lors de leur dernière expédition. Il en résulte une bizarrerie qui éprouve quelques problèmes en cours de route, mais qui propose néanmoins, une fois de plus, une mise en scène fascinante.

Comme pour The Royal Tenenbaums, ce nouvel effort d’Anderson vient rapidement confirmer le don unique que possède ce dernier pour introduire très rapidement le spectateur à l’univers singulier, mais haut en couleurs, élaboré autour de divers thèmes explorant les relations humaines qu’il concocte d’une manière décalée tout en en renouant un à un les maillons avec une ingéniosité qui lui est propre. Un des traits familiers à cette approche est évidemment sa phénoménale mise en relief d’un éventail assez vaste de personnages qu’il effectue par l’entremise de peu de mots et de simples traits physiques. D’un point de vue esthétique, Anderson réutilise ici son mélange visuel impeccable aussi minimaliste qu’extravagant qu’il redore d’une saveur typiquement kitch surtout soulignée dans le portrait qu’il fait des mondes sous-marins assuré de l’animation régi par nul autre qu’Henry Selick, réalisateur de The Nightmare Before Christmas. Il s’agit d’ailleurs d’un sentiment qui se retrouve dans l’ensemble des attributs de la production dont particulièrement les costumes et les décors prenant à quelques reprises la forme de maquettes géantes. Le tout vient adroitement servir cet effet de nostalgie incomparable qu’Anderson confère à son monde où vient si ajouter majestueusement une photographie dont les textures rappellent celles d’un vieux film des années 70.

Encore une fois, le rythme créé par le style d’Anderson est plutôt lent, ce qui n’est aucunement un défaut, mais comme par le passé, c’est une ligne qu’il casse audacieusement et de manière spontanée à quelques reprises. Par contre, dans le présent film, cette pratique paraît parfois un peu trop déjantée, même si Anderson réussit néanmoins à allier humour et drame à ses moments purement psychédéliques sans accrocs majeurs. Il se permet d’ailleurs plusieurs extravagances qui ne sont pas toujours utiles, mais qui demeurent tout de même fort sympathiques. La plus flagrante étant celle reprenant quelques chansons clés du répertoire de David Bowie en les interprétant à la guitare acoustique et en portugais par dessus tout. La trame sonore vient d’ailleurs encore voler une partie des louanges en alliant un joyeux échantillonnage de pièces émanant de la culture pop des années 70. L’utilisation musicale retenant toutefois l’attention est celle diablement adéquate de Staralfur du groupe islandais Sigur Ros qui réussit à rehausser une scène déjà à couper le souffle au départ.

On ne peut évidemment pas non plus passer sous silence la performance savoureuse qu’offre ici Bill Murray et dont la carrière bénéficie d’ailleurs depuis quelques temps d’une tournure fort intéressante se trouvant à des miles de celles de la plupart des comiques des années 80 qui ne donnent plus que dans la comédie facile et dépassée. Ayant déjà participé aux trois projets les plus importants d’Anderson en plus d’un rôle dans Lost in Translation qui lui aura valu une nomination bien méritée aux Oscars, on ne peut que remercier les Anderson, Coppola et compagnie d’avoir enfin mis en valeur le talent immense d’acteur et non seulement de comédien de Murray. The Life Aquatic with Steve Zissou est donc un film utilisant la formule usuelle d’Anderson que ce dernier s’est vraisemblablement amusé à remanier dans tous les sens, donnant un résultat parfois mal balancé, mais qui fera néanmoins plaisir aux fans du cinéaste. Par contre, ceux n’étant pas encore familier avec la filmographie de ce dernier devraient peut-être chercher à visionner ses films précédents avant de plonger tête première dans son nouvel effort.




Version française : -
Scénario : Wes Anderson, Noah Baumbach
Distribution : Bill Murray, Owen Wilson, Cate Blanchett, Willem Dafoe
Durée : 118 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 1er Janvier 2005