LEMONY SNICKET'S A SERIES OF UNFORTUNATE EVENTS
(2004)
Brad Siberling
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Il y a deux façons de gérer un énorme budget. On peut décider de le
défoncer sur une foule d'effets spéciaux dispendieux et tapageurs, ou
plutôt s'évertuer à l'employer pour créer un univers visuel riche et
détaillé. Au niveau purement esthétique, A Series of Unfortunate
Events a tout d'un film de Tim Burton. Les mêmes carcasses de fer
tordues, les mêmes arbres morts aux griffes acérées qui servaient de
décor au splendide Batman Returns et au somptueux Sleepy Hollow
servent dans le cas présent de paysage aux aventures des orphelins Baudelaire.
Ce n'est donc pas secoué par les spasmes de surprise que l'on confirme
par un simple coup d'oeil au générique que le film de Brad Silberling
pige la majeure partie de son département artistique à même l'écurie
de réguliers du maitre Burton.
Bien entendu, cette adaptation des populaires livres de Daniel Handler
frappe d'emblée par sa facture visuelle relevée. Dans ce domaine précis,
même le générique final du film demeure une réussite franchement estomaquante
du genre à valoir à elle seule le détour. Lemony Snicket's A Series
Of Unfortunate Events parait bien. Vraiment bien. Là où le bas blesse,
c'est lorsque que l'on analyse la structure du scénario incroyablement
dense qu'a concocté Robert Gordon à partir de non pas un mais bien trois
des romans de la série. Gordon condense ici The Bad Beginning,
The Reptile Room et The Wide Window en une masse grouillante
d'une heure trente qui souffre quelque peu de son efficacité versant
trop souvent du côté de la formule minutée à la seconde près.
Le résultat n'en demeure pas moins assez divertissant, en partie grâce
au jeu survolté d'un Jim Carrey en pleine forme qui semble prendre un
malin plaisir à se glisser dans la peau de trois personnalités bien
distinctes d'un même personnage. Fidèle à sa réputation d'intenable
bouffon, l'acteur canadien saute d'une identité à l'autre en s'assurant
toujours de voler la vedette à tout ce qui se trouve sur son passage.
Du même coup, il éclipse aisément ses adversaires les fades Baudelaire
qui n'ont pas une once du charisme débile de leur cruel oncle adoptif.
De toute façon, la forme du film contourne rapidement le contenu alors
que l'histoire devient bien vite secondaire au dynamique cabotinage
de Carrey ainsi qu'aux somptueux décors et costumes dont profite l'ensemble.
De toute évidence, l'entreprise entière vise à capitaliser sur le succès
des adaptations cinématographiques de la saga Harry Potter.
Or, bien que l'ensemble soit légèrement déséquilibré, force est d'admettre
que le réalisateur Brad Silberling, dont les expériences précédentes
relèvent principalement du domaine télévisuel, arrive à créer un divertissement
accompli et rafraichissant. Ce n'est pas à tous les jours qu'un film
familial s'amuse aussi ouvertement à massacrer ses protagonistes les
plus sympathiques. Mais la réussite relative d'A Series Of Unfortunate
Events découle surtout de la générosité du jeu de Carrey ainsi que
du travail inspiré du département artistique. On aurait été curieux
de voir ce qu'aurait fait le plus authentique Burton de cette franchise,
mais en fait de grosse production calibrée pour le temps des fêtes,
laissez-moi vous dire qu'on a déjà vu bien pire.
Version française :
Les Désastreuses aventures des
orphelins Baudelaire
Scénario :
Robert Gordon, Daniel Handler (livres)
Distribution :
Jim Carrey, Liam Aiken, Emily Browning, Kara Hoffman
Durée :
108 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
16 Juin 2005