LEGEND (1985)
Ridley Scott
Par Alexandre Fontaine Rousseau
La carrière de Ridley Scott débute sous le signe de succès
avec The Duellists. Mais c'est l'enchainement de deux chef-d'oeuvres
consécutifs, Alien et Blade Runner, qui en
fait l'un des réalisateurs les plus prometteurs du début
des années 80. Non content d'avoir offert deux des meilleurs
films de science-fiction de tous les temps, Scott décidera donc
en 1985 de se payer un film fantastique à gros budget. La production
en question s'intitulera Legend, et Scott obtiendra pas moins
de 25 millions de dollars pour mener son projet à terme. Mais
alors que le réalisateur avait livré un hybride d'horreur
et de science-fiction révolutionnaire en 1979 ainsi que l'une
des plus belles oeuvres philosophiques à avoir obtenu la faveur
du grand public en 1982, Legend annonce le début d'une
carrière en dents de scie pour l'un des réalisateurs des
trente dernières années ayant nourri les attentes les
plus démesurées des cinéphiles pour finalement
leur en livrer le moins.
Car bien loin de la terrifiante efficacité d'Alien ou
de la riche subtilité de Blade Runner, Legend
est une grosse production clinquante dont la démesure n'a d'égal
que le mauvais gout généralisé. Malgré une
direction artistique méticuleuse, l'esthétique léchée
de ce gigantesque conte de fée filmé laisse de glace.
Certes, Scott visait hors de tout doute cette facture naïve et
enfantine que l'on découvre ici. Mais Legend dépasse
le stade du spectacle enchanteur pour s'enfoncer dangereusement dans
le territoire de l'exagération exacerbée, tant et si bien
qu'au bout d'une demi-heure le pauvre spectateur saturé de glucose
supplie déjà que ne se termine la torture. Tout ici est
trop gentil et souriant, même lorsque le mal ultime accepte finalement
de sortir des ombres de l'enfer pour révéler sa sale tronche
de caricature ambulante.
Il faut bien avouer que la responsabilité de l'échec tant
artistique que financier de Legend n'incombe pas uniquement
à Scott. Le scénario médiocre de William Hjorstberg
s'assure de cultiver l'ennui de tous et chacun en empêchant le
déroulement de quoi que ce soit d'intéressant. Ainsi,
après une interminable séance de bonheur paradisiaque
qui enfreint sans gêne les normes du pourcentage alloué
par Syd Field à la situation initiale d'une histoire bien racontée,
Legend semble se borner à présenter le diable
chantant la pomme à la belle Mia Sara tandis que Tom Cruise aidé
par un groupe de nains rassemble un nombre maximal de bidules brillants
dans l'espoir de pouvoir éblouir la cruelle créature cornue.
Loin des multiples niveaux de lecture de Blade Runner, Legend
est une oeuvre superficielle et maladroite dont la surface étincelante
mais en fin de compte repoussante ne peut cacher le manque flagrant
de contenu. Peu importe à quel point l'on tente de dénicher
à ce sirupeux conte niais des qualités rédemptrices,
seules ses multiples vertus somnifères pourraient le racheter
aux yeux de la communauté internationale des insomniaques. Mais
Legend attriste surtout parce qu'il annonce le début
de la fin pour Ridley Scott. À partir de ce point, il ne retrouvera
son génie qu'en éclats intermittents et jamais plus ne
retrouvera l'inspiration derrière ses premiers films. Après
seulement quatre films, les belles années du réalisateur
étaient déjà derrière lui...
Version française :
Légende
Scénario :
William Hjortsberg
Distribution :
Tom Cruise, Mia Sara, Tim Curry, David Bennent
Durée :
94 minutes / 114 minutes (Director's cut)
Origine :
Angleterre
Publiée le :
5 Juin 2005