THE LAST MAN ON EARTH (1964)
Sidney Salkow
Par Alexandre Fontaine Rousseau
« Another day to get through, better get started... »
C'est sur cette affirmation pessimiste que débute le sombre Last
Man on Earth de Sidney Salkow. Quatre ans avant le fameux Night
of the Living Dead de Georges A. Romero, que plusieurs qualifient
de genèse du cinéma de zombies, cette fable sinistre possède
déjà toutes les caractéristiques majeures du genre.
Dans une ville déserte d'Amérique, le docteur Robert Morgan
(Vincent Price) croit être le dernier le dernier survivant d'une
terrible épidémie ayant réduit l'humanité
à l'état d'une horde informe de vampires désincarnés.
Chaque jour est pour Morgan une nouvelle lutte contre lui-même,
contre le désespoir et son dégoût pour une routine
morbide qu'il entretient depuis trois ans. Chaque nuit, une masse languissante
de morts-vivants assiège sa demeure. Elle attend patiemment qu'il
cède et perde le goût à la vie...
Adapté du roman I Am Legend de Richard Matheson, The
Last Man on Earth est devenu à juste titre un véritable
classique culte du cinéma de série B. Il faut dire que
le film de Salkow anticipe de façon presque visionnaire certains
des films les plus marquants de l'histoire du cinéma d'horreur.
De Dawn of the Dead à 28 Days Laters, rares
sont les films de zombies qui n'ont pas de dette envers The Last
Man on Earth. Dépassant l'horreur simple pour se hisser
au niveau d'expérience de terreur, The Last Man on Earth
nous plonge sans pitié dans un univers post-apocalyptique que
l'espoir a abandonné.
À première vue, on croit avoir affaire à une autre
aventure typique du prince de la nuit Vincent Price. Après tout,
le maître y interprète comme à l'habitude une pauvre
âme solitaire, rongée par le souvenir de sa femme morte
dans des circonstances déchirantes. Monologuant sur ses tourments,
il ponctue ce récit à l'atmosphère glauque de sa
légendaire voix de spectre. Son interprétation théâtrale
est en parfaite symbiose avec le ton, très proche de la nouvelle
littéraire, du récit de Logan Swanson et William F. Leicester.
On aime Price ou pas. C'est une question de goût. Mais rarement
a-t-il été aussi bien exploité.
Par ailleurs, c'est par la richesse de son allégorie que le film
de Salkow se démarque des autres productions d'horreur à
petit budget de son époque. Qualifié par l'auteur Stephen
King d' « exemple le plus abouti du film d'horreur politique »,
The Last Man on Earth démontre de manière élégante
et efficace la complexité du concept de normalité. Convaincu
qu'il défend la civilisation humaine envers et contre tous, le
docteur Morgan devient un redoutable chasseur de vampires. Son pragmatisme
et son sang-froid l'ont transformé en méthodique machine
à tuer.
Cependant, il existe à son insu une véritable communauté
de survivants oscillant entre l'état vampirique et la condition
humaine qui l'a élevé au rang de légende vivante.
Tuant sans pitié le jour pour ensuite se terrer dans son antre
la nuit venue, c'est un dangereux renégat craint par la seule
société existante. Le personnage d'ermite de Vincent Price
a encore une fois transgressé les limites imposées par
la majorité. Ce revirement de situation ingénieux investit
The Last Man on Earth d'une réflexion fascinante sur
la subjectivité de la droiture, de l'ordre et de la morale. Pensant
agir pour le bien-être commun, Morgan est devenu un monstre.
Parce qu'il est exempt de références politiques directes,
The Last Man on Earth est une oeuvre foncièrement intemporelle.
Il pouvait dénoncer la répression systématique
du communisme en 1964. En 2006, il s'applique parfaitement à
la chasse au terrorisme. Le symbolisme de ce petit classique de l'horreur
à l'ambiance lourde est simple mais tout bonnement remarquable.
C'est peut-être pour cette raison qu'on lui pardonne une bande-son
déficiente et quelques lacunes techniques imputables à
son origine italienne bon marché. Le produit final transcende
celles-ci aisément.
Version française : -
Scénario : William Leicester, Richard Matheson, Furio M.
Monetti, Ubaldo Ragona
Distribution : Vincent Price, Franca Bettoia, Emma Danieli, Giacomo
Rossi-Stuart
Durée : 86 minutes
Origine : États-Unis, Italie
Publiée le : 28 Avril 2006
|