LAST LIFE IN THE UNIVERSE (2003)
Pen-Ek Ratanaruang
Par Jean-François Vandeuren
Last Life in the Universe de Pen-Ek Ratanaruang fait parti de
ces films misant avant toute chose sur le développement dune atmosphère
unilatéralement langoureuse. Le but de lexercice nest donc
pas de nous amener constamment au bout de notre siège, mais plutôt de
nous entrainer dans un voyage sans la moindre turbulence, dans lequel
le réalisateur thaïlandais explore certaines facettes des relations
humaines et qui, malgré un intérêt renouvelé qui leur fut accordé par
le cinéma dans les années passées, parvient néanmoins à y apporter sa
marque. Tentant donc de faire un portrait de nos diverses réactions
face à la solitude et ces évènements venant remettre miraculeusement
de lharmonie dans des sphères de notre existence que lon
croyait parties à la dérive depuis trop longtemps, Pen-Ek Ratanaruang
nous présente deux contraires dont la relation se transformera peu à
peu en une quête vers léquilibre. Dun côté il y a Kenji,
un bibliothécaire japonais exilé à Bangkok aux tendances suicidaires
ambigües dont le frère et son assassin trouvèrent la mort dans son appartement.
Et de lautre Noi, une jeune thaïlandaise désirant quitter Bagkok
pour sinstaller à Osaka. Ces deux personnages seront réunis par
la mort de la jeune sur de Noi, un évènement qui les poussera
à remettre en question la manière dont ils ont tendance à réagir face
aux impasses que la vie leur réserve.
Le cinéaste y va de peu de mots pour mettre en scène cette chimie en
devenir. Il faut dire que son contexte mise également sur lidée
que ses deux personnages ne partagent pas la même langue et, même sils
possèdent tous deux quelques bases de la langue de lautre, Kenji
et Noi nont en définitive quune connaissance limitée de
langlais pour communiquer clairement (même si on ne comprend pas
toujours tout ce qui est dit de notre côté). Mais comme cest souvent
le cas dans la vie de tous les jours, cest par des actions concrètes
que le courant passera le mieux. Cest un peu la même chose en
ce qui concerne le cinéma et cest en ce sens que Pen-Ek Ratanaruang
favorise un traitement accordant beaucoup plus dimportance à limage
quaux dialogues. Son film mise tout de même dun point de
vue scénaristique énormément sur ces personnages, deux extrêmes à la
recherche dune révolution intérieure quils laissent refléter
à lintérieur des murs de leur espace personnel et qui nont
jusque là pas appris à faire de concessions. Kenji, pour qui le suicide
nest pas un moyen de mettre fin à une quelconque souffrance, mais
plutôt datteindre cet état de béatitude absolue qui lui échappe,
et Noi qui, de son côté, essaie de se retrouver dans un désordre chaotique.
Si Kenji tentera de mettre un peu dordre dans la tête de Noi en
effectuant métaphoriquement le ménage de sa demeure, Noi lui apprendra
en cours de route quil ne doit pas essayer à ce point de tout
contrôler.
Le réalisateur thaïlandais mise sur ses images dune manière fort
évidente et il ne sen cache pas, accordant autant dimportance
au symbolisme quil peut en tirer quau niveau esthétique
où il utilise méticuleusement lemplacement des objets et des personnages
présent dans son cadre, ses mouvements de caméras et un jeu de couleurs
pour livrer un visuel extrêmement poli sans que cela ne devienne superficiel.
Mais autant dans la forme que dans sa structure, Last Life in the
Universe semble parfois confus par des choix somme toute compréhensibles,
mais tout de même fort discutables, comme la façon dont senchainent
les multiples introductions pour ne faire apparaitre le titre du film
que trente-trois minutes plus tard. Il sagit également dun
cas fort exceptionnel où le directeur photo savère être la vraie
vedette de léquipe technique, Pen-Ek Ratanaruang en étant réellement
quà son premier film denvergure mondiale. Christopher Doyle,
à qui lont doit la cinématographie de Hero et de nombreux
films de Wong Kar-Wai dont le tour de force 2046, récidive ici
avec un travail tout aussi accompli, trempant lunivers du présent
effort dans une blancheur hallucinante qui épouse bien ses couleurs
plus vives.
Last Life in the Universe rassemble donc une série de concepts
bien connus qui ne paraissent pas trop familiers vus du regard minutieux
de Pen-Ek Ratanaruang. Celui-ci nous fait donc suivre une histoire classique
exploitée avec une délicatesse et un gout du risque qui incitent au
respect. On y retrouve certes quelques dérapages, comme lhistoire
de Yakusa en fin de parcours dont lintroduction trop précipitée
et tardive vient passablement briser le rythme de leffort qui
avait déjà pris un certain temps à vraiment sinstaller. Pen-Ek
Ratanaruang aurait pu facilement trouver un meilleur tremplin pour sa
finale. Et malgré une lenteur parfois exhaustive, mais nécessaire, les
amateurs du genre y trouveront un autre film dont les élans singuliers
mènent néanmoins à la fascination.
Version française : -
Version originale :
Ruang rak noi nid mahasan
Scénario :
Pen-Ek Ratanaruang, Prabda Yoon
Distribution :
Asano Tadanobu, Sinitta Boonyasak, Laila Boonyasak
Durée :
112 minutes
Origine :
Thaïlande
Publiée le :
15 Mai 2005