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LAND OF THE DEAD (2005)
George A. Romero

Par Louis-Jérôme Cloutier

On n’avait peut-être pas enterré George A. Romero, mais encore quelques années et ça y était. Depuis 1985, date qui marquait la sortie du tout dernier volet de sa célèbre trilogie, ce réalisateur autrefois très à la mode était tombé dans un oubli presque total, accumulant au passage des films de qualité plus ou moins exemplaire et certains loin d’être dignes de mention. Heureusement, les zombies ont retrouvé la cote avec les sorties successives de 28 Days Later, de Dawn of the Dead et de Resident Evil dans une moindre mesure... Le maitre pouvait donc sortir de sa cachette et obtenir de quoi tourner un nouveau volet de sa série, on s’attendait à ce qu’il le fasse un jour. Une attente de 20 ans qui en valait entièrement la peine. Même si Romero est très loin d’avoir tourné un classique, Land of the Dead fait plaisir à voir et n’est pas en reste de ces prédécesseurs, loin de là.

Les morts-vivants recouvrent désormais la surface du globe, d’où le titre du film. Des humains se sont réfugiés dans une ville qu’ils ont barricadée afin de se soustraire au monde extérieur, tentant d’ignorer dans la mesure du possible que derrière leurs murs se cache l’horreur. Ce nouveau monde, il s’est lui-même à nouveau divisé en deux classes, le peuple qui vit dans les rues de cette ville aux allures apocalyptiques, et les privilégiés qui séjournent dans une tour allumée au centre de la ville avec tout le confort nécessaire à une vie de bourgeois. Cependant, l’un des hommes chargés d’approvisionner cette cité en denrée subtilise un important véhicule lui permettant de menacer de lancer des missiles sur la ville. Et au même moment, les morts-vivants semblent déterminés à entrer dans cette ville, apprenant à communiquer entre eux.

Disons-le d’emblée, Land of the Dead est une énorme métaphore de notre époque troublée et on peut tracer de multiple parallèles entre le monde qui y est dépeint et les évènements qui s’y déroulent et la réalité actuelle en Amérique du Nord, particulièrement aux États-Unis. En fait, il s’agit d’un film d’horreur très politisé et beaucoup plus sérieux que les précédents efforts de Romero. Sans dresser une analyse complète qui prendrait toute la place de la critique du film lui-même, disons en gros que le film dépeint en quelque sorte l’après 9/11, tout en y faisant référence. Après tout, un «terroriste» désire lancer des missiles contre une immense tour qui surplombe la ville, ça ne pourrait être plus clair.

Même sans cette analogie, non pas particulièrement ingénieuse, mais quand même brillamment insérées dans un récit d’horreur, Land of the Dead est un film d’épouvante des plus satisfaisants. Que les inconditionnels de Romero se rassurent, il n’a pas du tout relâché la pédale sur le gore pour plaire aux producteurs. On s’étonne même que le film puisse avoir été présenté dans les salles avec une violence aussi excessive, bien que souvent suggestive dans ses moments les plus durs. Reste que les cœurs sensibles devront sans aucun doute s’abstenir puisque les trucages n’auront jamais été aussi perfectionnés. La tension demeure présente du début jusqu’à la fin, Romero ayant encore quelques tours dans son sac pour nous surprendre. Land of the Dead marque pour lui sa réalisation la plus habile jusqu’à ce jour.

Contrairement au précédent film, le volet interprétation est très loin d’être négligeable. Cela est dû en partie au fait que, pour une rare fois, on retrouve des acteurs qui sont loin d’être des inconnus dans les rôles principaux tels que Dennis Hooper, très efficace dans son rôle de Kaufman sans être aussi excentrique que dans certaines de ses autres interprétations. Dans l’ensemble, les interprètes offrent des prestations bien au-delà de ce que l’on retrouve habituellement dans ce genre de production. Leur personnage reste plutôt sous-développé évidemment, même si Romero approfondit judicieusement certains d’entre eux, mais cela ne vient jamais entraver leur crédibilité. Personne ne devrait regretter la présence de la très jolie Asia Argento qui n’est heureusement pas que la poupoune de service criant et trébuchant en se faisant poursuivre par les morts-vivants. Concernant ces derniers, après Day of the Dead, Romero poursuit la description de ces êtres en progression, qui s’apparentent de plus en plus à des êtres humains, sans grande subtilité, mais toujours avec un bon doigté.

Il avait encore bel et bien quelque chose à raconter ce grand-père du film de zombie et ce n’est pas Zach Snyder qui pourra lui faire la leçon. Son nouveau film contient un récit fort simple, quoique qu’ingénieux pour les parallèles qu’il dresse avec la réalité actuelle tout en étant véritablement sombre avec des soubresauts humoristiques pleins de retenu. Après avoir laissé d’autres rependre ses idées, il revient avec l’un de ces meilleurs films, et même meilleur que le dernier de sa célèbre série. Mais comme pour ce dernier, il nous laisse sur notre faim et lorsque le générique de fin débute, on espère qu’il y aura encore quelque chose d’autre à venir. On aurait bien peu de choses à reprocher à ce film. «Oui, mais il n’apporte rien de nouveau au genre», et puis? Il les surpasse tous aisément, et c’est déjà beaucoup. Le maitre demeure le maitre.




Version française : La Terre des morts
Scénario : George A. Romero
Distribution : Simon Baker, John Leguizamo, Dennis Hopper, Asia Argento
Durée : 93 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 14 Juillet 2005