THE LADYKILLERS (2004)
Ethan Coen
Joel Coen
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Alors que l'excellent The Man Who Wasn't There semblait annoncer
un virage plus cérébral pour les frères Coen, leurs
deux plus récentes productions les ont vus s'aventurer dans les
eaux beaucoup plus troubles du cinéma de studio. L'intelligence
qui caractérisait auparavant leur cinéma en a souffert
considérablement, comme le prouve The Ladykillers, remake
facile d'une comédie britannique des années 50 mettant
en vedette Alec Guiness et Peter Sellers, qui fait suite à un
Intolerable Cruelty boudé par la critique comme par
le public. Joel et Ethan Coen y semblent en pleine crise existentielle,
tentant à la fois de charmer le grand public et de renouer avec
leurs racines. Le résultat final n'est malheureusement pas des
plus convaincants.
Certes, on retrouve dans cette histoire de cambriolage plusieurs des
éléments qui ont fait le succès de films tels que
Fargo, The Big Lebowski, O Brother, Where Art
Thou? et du cinéma des Coen en général. Mais
tous les héros immoraux et la musique gospel du monde ne peuvent
cacher le fait que The Ladykillers est un film qui tente désespérément
d'être excentrique sans jamais l'être vraiment. Après
une introduction prometteuse au style visuel léché, le
film se lance dans la présentation longue et maladroite de chacun
de ses protagonistes, une décevante galerie de stéréotypes
faciles qui n'ont aucunement le panache des personnages que concoctaient
autrefois le duo. Tom Hanks, en espèce de croisement entre le
colonel Sanders et Vincent Price, domine une distribution correcte par
son jeu caricatural qui tombe parfois dans le cabotinage.
L'histoire du film est des plus simples: une bande de criminels dirigée
par Hanks fait croire à une vieille veuve noire (Irma P. Hall)
qu'ils forment un groupe de musiciens afin d'utiliser sa cave comme
point de départ pour creuser un tunnel jusqu'au coffre-fort d'un
casino. Sans être des plus originales, cette prémisse possède
un certain potentiel que les Coen évitent la plupart du temps
pour nous farcir une suite convenue de gags faciles qu'ils ont le culot
de répéter à plusieurs reprises dans le film. The
Ladykillers réserve bien quelques surprises au niveau du
récit mais l'ensemble manque franchement de personnalité
et d'âme, deux qualités qui semblent avoir été
évacuées au profit d'une ambition commerciale à
peine déguisée. Même l'excellente trame sonore gospel
semble avoir été ajoutée dans l'unique but de répéter
l'immense succès de celle d'O Brother, Where Art Thou?
plutôt que d'avoir été intégrée intelligemment
au film.
On a bien droit à quelques moments franchement drôles ici
et là mais c'est en vain que l'on tente de trouver dans The
Ladykillers une quelconque trace de la subtilité et de l'originalité
qu'avaient auparavant les frères Coen. The Ladykillers
offre une version terriblement diluée de leur humour noir habituel
et leur vision critique de l'Amérique ne pointe le bout de son
nez que dans quelques répliques isolées. Le film a le
mérite d'être plus drôle que la comédie hollywoodienne
typique. Mais de la part des Coen, on est en droit de s'attendre à
mieux.
Version française :
Les Tueurs de dames
Scénario :
Joel Coen, Ethan Coen
Distribution :
Tom Hanks, Irma P. Hall, Marlon Wayans, J.K. Simmons
Durée :
104 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
4 Avril 2004