KUNG POW : ENTER THE FIST (2002)
Steve Oedekerk
Par Jean-François Vandeuren
Il y eu un temps à la fin des années 90 où les
comédies ont pris un virage qui n’était pas du tout
à leur avantage. Du même coup, les films du genre élaborés
par des cinéastes donnant dans un humour plus subtil et recherché
voyaient leurs productions sortir en salles elles aussi dans la subtilité.
À l’opposé, et concordant avec le plus grand des
hasards (!) à la popularité fleurissante des films d’ados,
plusieurs comédies arrivèrent fastueusement sur nos écrans,
nous amenant à nous questionner sur l’existence d’une
course à Hollywood où un prix serait décerné
au film qui réussiraient à atteindre le plus bas niveau
de décence et d’intelligence en se basant sur ce qu’on
appelle dans le jargon le «toilet humor». Les stéréotypes
de ce genre nous viennent facilement en tête. On n’a qu’à
penser à la série Scary Movie et la quête
est terminée. Toutefois, un homme est parvenu à atteindre
le summum de la stupidité, du ridicule et de l’absurde.
Et pourtant, il a réussi son coup en passant par un tout autre
chemin, se basant plutôt sur l’utilisation du son et de
l’image. Il en résulte probablement une des comédies
les plus imbéciles de tous les temps, mais aussi une des plus
efficaces depuis un bon moment déjà.
Aussi adulé que profondément détesté, Kung
Pow demeure pour ceux qui voudront bien lui laisser sa chance une
des comédies les plus absurdes et désopilantes que le
nouveau millénaire à eu à nous offrir jusqu’à
maintenant, impliquant de ce fait son lot de crampes d’estomacs
et de maux de mâchoire chroniques chez les spectateurs qui riront
jusqu’à en pleurer et que plus aucun son ne sortent de
leur bouche, laissant seulement cette bête expression sur leur
visage. C’est le genre de réactions que Kung Pow
réussit à créer sans aucune difficulté et,
dans ses moments les plus inspirés, à soutenir pendant
de très longues minutes.
Ce qui fait de Kung Pow une comédie qui parvient à
arracher si facilement les rires de son public se retrouve au niveau
de la composition des gags en soi. Ici, le cinéaste américain
Steve Oedekerk utilise sensiblement le même stratagème
que Woody Allen avait élaboré pour son What’s
Up Tiger Lily?, reprenant un vieux film chinois comme toile de
fond en en reformulant complètement la traduction, et le sens
par la même occasion. Mais Oedekerk pousse l’initiative
encore plus loin avec sa reprise parodique du film de kung fu Tiger
and Crane Fist de Yu Wang en s’introduisant à sa guise
dans le film en plus de quelques nouvelles scènes tournées
pour le bien de la cause.
On y retrouve bien évidemment la caricature habituelle du décalage
entre la traduction et le mouvement des lèvres des vrais acteurs,
mais Oedekerk joue aussi de finesse au niveau technique. Il s’amuse
ainsi avec l’utilisation d’effets sonores complètement
inappropriés, l’intonation de ses personnages, les dialogues
qui souvent ne veulent absolument rien dire, etc. Le cinéaste
s’amuse également avec son visuel, principalement au niveau
du montage, en y allant de figement d’image, de répétitions
du même court segment, et que dire de l’utilisation plus
qu’abusive du zoom lors de cette fameuse confrontation entre «l’élu»
et une meute de guerriers peu efficaces. Tout simplement tordant! Ces
aspects ne sont pas sans rappeler quelque part ce qu’on fait à
une certaine époque les Monty Python, plus spécifiquement
dans leur chef-d’œuvre The Holy Grail. Malheureusement,
Kung Pow est un film qui a tendance à quelque peu s’essouffler,
surtout durant la seconde moitié du film. Mais le plus surprenant
est que malgré tout, ces quelques scènes moins consistantes
demeurent aussi mémorable que les élans les plus tordants
de l’effort de Steve Oedekerk, en faisant au bout du compte une
parodie qui n’est pas sans fautes, mais qui parvient à
les rattraper par l’équilibre qui y est créé.
Totalement con et insignifiant, mais aussi totalement hilarant, Kung
Pow forme en définitive une farce qui réussit à
ne pas tomber dans les pièges des comédies préfabriquées
pour un public peu exigeant ou simplement juvénile. Oedekerk
a su élaborer ses gags d’une manière plutôt
ingénieuse en utilisant le côté technique de sa
mise en scène pour nous offrir une comédie qui fonctionne
à merveille même dans ses moments les moins inspirés.
Comme tout bon film du genre, il est impossible de ne pas se remémorer
après coup certains fragments de la narration bidonnante ou des
dialogues plus insignifiants les uns que les autres imaginés
par le créateur de la série des Thumbs. À
voir idéalement en français, entre amis et avec une bonne
dose de substances illicites afin de pleinement apprécier le
travail de traduction semblant avoir été fait un jeudi
soir par une bande d’étudiants un peu saouls. De l’absurde
à son meilleur.
Version française :
Kung Pow : Le Grand Poing
Scénario :
Steve Oedekerk
Distribution :
Steve Oedekerk, Tad Horino, Joon B. Kim, Woon Young
Park
Durée :
81 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
4 Août 2003