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KUNDUN (1997)
Martin Scorsese

Par Alexandre Fontaine Rousseau

Se libérant de son habituel univers violent et réaliste, Martin Scorsese tente en 1997 une seconde oeuvre à caractère spirituel après avoir livré au cinéma chrétien l'un de ses chefs-d'oeuvre les plus raffinés, The Last Temptation of Christ. C'est après le coup de poing en règle de Casino que se pointe sur les écrans du globe Kundun, l'odyssée bouddhiste de l'un des plus grands réalisateurs qu'aillent connu les États-Unis. Une vague de commentaires sarcastiques traverse les cercles critiques. Il semble que ce soit une mode dans la communauté artistique américaine que de payer ses hommages au dalaï-lama. Existe-t-il, après tout, un univers qui soit en plus grande concordance avec les enseignements anti-matérialistes du bouddhisme que le Babylone moderne d'Hollywood?

Avec Kundun, Scorsese oeuvre plus ou moins en territoire inconnu. Il a déjà livré un drame biographique de haut niveau avec Raging Bull et un drame religieux formidable avec The Last Temptation of Christ. Mais ces deux films sont des extensions naturelles de son cinéma fondamentalement italo-américain. Pour Scorsese, Kundun est le geste symbolique ultime d'ouverture sur le monde. Réaliser ce film, c'est prendre le risque de quitter le pays qu'il comprend si bien et que peu ont su mettre en images avec autant de verve que lui. Pour cette seule raison, le film intéressera quiconque apprécie le travail du réalisateur. Cela dit, il s'agit aussi de l'un de ses films les moins aboutis et, fort ironiquement compte tenu du sujet, de l'un de ses plus superficiels.

Car Kundun est d'abord et avant tout une expérience esthétique sublime qui, à plusieurs niveaux, tient plus du cinéma d'images de Godfrey Reggio que du film biographique ou du drame de foi. Il n'y pas que l'envoutante tapisserie sonore de Philip Glass qui encourage à dresser ce parallèle. Toute la facture visuelle de ce film presque muet où Scorsese s'amuse à hypnotiser le spectateur en le gavant de belles images semble avoir une dette morale artistique envers le travail du créateur de Koyaanisquatsi. Le spectacle régale les sens, certes, mais manque toutefois de profondeur. Comme si Scorsese, pour la première fois de sa vie, jouait au touriste plutôt que d'assumer le rôle de guide.

Nous sommes donc invités à suivre le périple du quatorzième dalaï-lama de sa découverte dans une famille paysanne à l'âge de quatre ans jusqu'à sa fuite lors de l'occupation du Tibet par la Chine. Kundun fonctionne surtout en tant qu'oeuvre de sensibilisation au drame du peuple tibétain. Scorsese livre ici des informations historiques pertinentes avec sensibilité et éloquence. L'ensemble, toutefois, manque de dimension. Incapable d'illustrer toutes les nuances de cette religion qui n'est pas la sienne, Scorsese se contente de concevoir une belle carte postale animée à laquelle il se permet d'ajouter quelques mentions écrites instructives mais convenues.

Ainsi, Kundun ne plonge jamais dans le vif de son sujet. Le cinéaste reste toujours en surface pour finalement ne procurer qu'une illumination des sens au spectateur. C'est là la limitation ultime de ce film splendide mais un peu vide, débordant de bonnes intentions mais fort limité au niveau fondamental de la compréhension de son sujet. Alors que The Last Temptation of Christ était une réflexion sur toutes les subtilités des enseignements du christianisme, Kundun se plait pour sa part à régurgiter au spectateur les grandes lignes d'une religion qui, justement, cherche à se libérer des illusions de ces images qui demeurent en fin de compte la grande force de ce film. Intéressant mais tristement incomplet.




Version française : Kundun
Scénario : Melissa Mathison
Distribution : Tenzin Thuthob Tsarong, Gyurme Tethong, Tencho Gyalpo
Durée : 128 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 17 Août 2005