KISS KISS BANG BANG (2005)
Shane Black
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Il est facile d'oublier qu'il se cache, perdus parmi les rangs de la
horde barbare de productions américaines miteuses envahissant
nos clubs vidéo chaque semaine, quelques petits films mineurs
mais fort honnêtes méritant que l'on y jette un coup d'oeil
aussi rapide soit-il. Le Kiss Kiss Bang Bang de Shane Black
est un de ces petits projets passés relativement inaperçus
à sa sortie en salles auquel le marché de la location
insuffle une seconde vie. Mais force est d'admettre qu'à défaut
d'être particulièrement original, ce méta-thriller
s'amusant aux dépens des conventions du marketing hollywoodien
et de la faune éclopée arpentant les abords de l'usine
à rêves livre la marchandise tout en proposant quelques
surprises sans envergure, mais bien réelles.
Brigand minable de New York, Harry (Robert Downey Jr.) fait irruption
dans une audition alors qu'il a la police aux trousses. Un producteur
hollywoodien le remarque et l'invite à venir tenter sa chance
en tant qu'acteur au paradis des anges déchus et des rêves
brisés. C'est au cours d'une fête bien arrosée que
Harry fait la rencontre de Perry (Val Kilmer), un détective homosexuel
chargé de lui donner quelques cours de réalité
afin de le préparer à un rôle éventuel. C'est
à la même réception qu'il croise Harmony (Michelle
Monaghan), une vieille histoire d'amour qui lui a échappé
de par le passé. Mais, bien vite, Harry découvrira la
face cachée de Los Angeles : ses meurtres, ses excès et
ses habitants bigarrés.
Auteur de la série des Lethal Weapon et de l'étrange
Last Action Hero, Shane Black se permet une fois de plus de
jeter un regard amusé sur le cinéma d'action et sur ses
mythes. Black, de toute évidence, est conscient d'oeuvrer dans
un genre ankylosé par les clichés. Il place donc la narration
de Kiss Kiss Bang Bang entre les mains d'un individu conscient
de jouer dans un film qui ose, de surcroît, tourner celui-ci en
dérision. Le personnage interprété par Robert Downey
Jr. devient donc notre guide tant lorsque vient le temps de naviguer
l'univers sordide des coulisses de l'industrie du cinéma que
lorsque vient le temps de démêler les fils d'une intrigue
étonnamment complexe.
Kiss Kiss Bang Bang fourmille de gags de mauvais goût
sur les cadavres et mord systématiquement la main qui le nourrit.
C'est d'abord cet humour vorace qui le distingue des autres productions
du même genre. Mais au-delà de tout ce cynisme ludique,
ce que Kiss Kiss Bang Bang propose est en soi intéressant
: thriller décortiquant les rouages du thriller, le film de Black
est aussi un film hollywoodien sur la cruelle mécanique de cette
véritable machine conçue pour exploiter une basse-cour
d'aspirants et de soupirants gavés d'illusions et que l'on titille
avec des promesses fugaces de gloire et de célébrité.
Ainsi, ce polar jouant de manière dissonante toutes les cordes
classiques du film policier américain repose sur un traitement
à la fois amusant et méchant pour se distinguer de la
masse de productions racontant une histoire similaire. Film de genre
pataugeant dans la métacognition facile, Kiss Kiss Bang Bang
est plus malin que le thriller moyen et par le fait même plus
divertissant. Si ses réflexions sont somme toute superficielles,
Shane Black signe ici un scénario inspiré carburant aux
dialogues savoureux de même qu'une réalisation originale.
Qui plus est, il se permet de nous raconter une bonne histoire dont
les personnages sont attachants malgré leur nature consciemment
convenue. Voilà la preuve qu'à défaut de réinventer
la roue, on peut au moins la faire tourner différemment.
Version française :
Kiss Kiss Bang Bang
Scénario :
Shane Black
Distribution :
Robert Downey Jr., Val Kilmer, Michelle Monaghan,
Corbin Bernsen
Durée :
103 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
5 Août 2006