KING KONG (2005)
Peter Jackson
Par Frédéric Rochefort-Allie
C'était son rêve d'enfant! Depuis ses 9 ans, Peter Jackson
portait en lui le désir un peu fou de réaliser un jour
son propre King Kong. Pour se faire, il passa du film gore
série-b à l'une des plus gigantesques trilogies que le
cinéma n'ait jamais connu. Il a ainsi acquis la notoriété
nécessaire pour transposer pour la seconde fois un film de plus
de 70 ans sur nos écrans. Les attentes se sont faites lourdes,
les délais et les complications de plus en plus fréquents,
mais enfin, voilà son ultime fantasme achevé!
L'histoire est elle-même archi connue, et si l'icône du
gorille triomphant au sommet de l'Empire State Building ne vous évoque
rien, voilà peut-être seulement le signe que vous devez
voir l'original. À la différence du premier (et médiocre)
remake de 1976 qui avait modernisé le récit, King
Kong retourne enfin dans les années 30, l'époque
même où il a vu le jour. Le mythe ne s'en voit que décuplé,
puisque le classique est revisité avec les yeux d'un des plus
grands fans du monstre, lui rendant hommage avec la plus profonde admiration.
Jackson se permet même de nous faire croire que le film de 1933
serait en fait celui que tourne l'équipage du SS. Venture. Les
mêmes scénaristes à qui on doit l'adaptation monumentale
de la saga Lord of the Rings ont épaulé la version
Peter Jackson d'un scénario en béton, plus intelligent
que l'original, mais laissant place à encore bien des incohérences.
Il s'agit d'une fable fantastique après tout ! Le film est si
touchant, qu'on se surprend même à s'attacher au gorille
de plus de 20 pieds.
Tout est à l'honneur d'Andy Serkis, l'acteur derrière
la bête, le même qui a incarné Gollum. Encore une
fois, peut-être sera-t-il oublié dans les divers galas
quand viendra le temps de couronner les meilleurs acteurs de l'année.
Si personnifier un gorille gigantesque (en 3d) jusque dans ses moindres
gestes, en lui insufflant de la vie n'est pas là une brillante
performance, que lui faudra-t-il pour que son talent soit enfin reconnu?
Son duo avec Naomi Watts, aussi improbable soit-t-il de voir un gorille
sauvage gigantesque s'éprendre d'une minuscule actrice de vaudeville
sans le sou, fonctionne à merveille. La comédienne reprend
d'ailleurs assez bien le flambeau de Fay Wray, correspondant plus à
la demoiselle en détresse que la vamp qu'était Jessica
Lange en 76.
Quoi qu'on puisse penser de son adaptation du Seigneur Des Anneaux,
Peter Jackson est un grand cinéaste du cinéma fantastique,
un véritable disciple de George Lucas et Steven Spielberg. Pour
lui, avec Kong, tant chez les jeunes enfants que chez leurs
parents, l'important est de faire revivre cette même passion qui
l'a toujours animé depuis qu'il a 9 ans. L'oeuvre de sa vie fait
rêver et nous transporte dans un monde tout à fait inconnu
aux allures du Lost World de Sir Arthur Conan Doyle et de Heart
of Darkness de Joseph Conrad (avec une référence
des plus évidentes). En tant que divertissement, King Kong
porte bien son titre de roi. Rares ont été les blockbusters
aussi réussis depuis une décennie. Presque surdosé
d'action, King Kong vous garantie au moins de passer un bon
moment au cinéma, de la pure évasion. Le cinéaste
néo-zélandais est plus passionné que jamais, et
son amour pour le gros gorille finit par nous atteindre. Plusieurs scènes
sont tout à fait marquantes dans l'histoire du cinéma,
et ce remake de 2005 arrive presque à s'approprier la scène
sur l'Empire State Building.
Sans dépasser l'impact de Jurassic Park, le film de
Peter Jackson reste, à ce jour, le zénith du cinéma
numérique aux images de synthèse. On dit même qu'il
ne fallait pas moins de 10 ordinateurs pour créer une seconde
de rendu. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, les meilleurs
effets spéciaux ne concernent même pas la scène
d'anthologie qu'est devenue le combat T-Rex contre King Kong. Le New-York
des années 30 est si bien reproduit qu'on arrive à peine
à départager le vrai du faux, des automobiles aux buildings
en 3D. De leur côté, les diverses créatures sont
décevantes, pour la plupart moins réussies que dans Jurrasic
Park, qui célèbre pourtant son 12ième anniversaire.
L'abus d'images de synthèse est parfois frappant. Non seulement
l'action n'est-elle vraiment pas évidente à cerner à
cause de l'excès de gros plans, mais plutôt que de se contenter
de quelques créatures dans une scène d'action, Jackson
nous en offre des centaines. C'est peut-être l'esprit d'enfant
qui renaît en lui, mais du point de vue du spectateur, le tout
est un peu bordélique par moments.
King Kong souffre aussi de sa dualité entre le nouveau
chef d'oeuvre en prétention et le film d'aventure burlesque aux
allures série-b. Le contraste entre l'humour vaudevillesque des
années 30 et les scènes dramatiques est si fort que certains
personnages, comme celui de Carl Denham (interprété par
le comédien Jack Black) semblent déplacés; un tantinet
trop caricaturaux, pour devenir quelques instants plus tard sombres
et dramatiques. Idem dans la réalisation, où Jackson se
fait un cinéaste virtuose et retourne en même temps à
ce bon vieux cinéaste de gore qui abuse de ralentis saccadés
au point d'en devenir ridicule. Même s'il atteint ses deux buts,
soit celui de divertir et de toucher, les deux tons du film s'imbriquent
mal et c'est là où King Kong trébuche.
L'absence d'un grand thème pompeux à souhait lui nuit
aussi, faute du remplacement plutôt hâtif du compositeur
Howard Shore par James Newton Howard, lequel a disposé de deux
mois pour composer le tout. La musique semble bâclée, peu
travaillée et trop discrète pour un film de la sorte.
Qui ne se souviens pas du thème de Jurassic Park? Maintenant,
qui se souviendra du thème de King Kong? Probablement
personne une fois le film terminé.
Ne vous y méprenez pas, King Kong est un divertissement
grandiose, l'une des oeuvres les plus épiques qu'on nous ait
offert depuis des décennies. Peter Jackson aurait pu nous pondre
un véritable chef-d'oeuvre, mais néanmoins, son King
Kong nous rappelle pourquoi nous aimons le cinéma. C'est
une oeuvre de pure évasion, d'aventure, à la fois excitante
et touchante qui rappelle les vieux films de série-b avec une
touche à la Jurassic Park et Indiana Jones
des plus savoureuses. Puis si Jackson cherchait à rendre hommage
au film original, l'élève a dépassé le maître
: le King Kong de 2005 en est l'ultime version.
Version française : King Kong
Scénario : Fran Walsh, Philippa Boyens, Peter Jackson
Distribution : Naomi Watts, Jack Black, Adrien Brody, Andy Serkis
Durée : 187 minutes
Origine : États-Unis, Nouvelle-Zélande
Publiée le : 22 Décembre 2005
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