KILL BILL : VOLUME 2 (2004)
Quentin Tarantino
Par Pierre-Louis Prégent
Kill Bill Vol.1 se démarquait de par son dynamisme scénaristique
et son aspect hyperréférentiel. Appuyé par une photographie diversifiée
et constamment hallucinante, le premier volet a offert aux cinéphiles
un cadeau que lon peut aujourdhui qualifier de denrée rare
: de lexcellent divertissement, orchestré par des mains de virtuose,
pas trop compliqué au niveau du scénario, mais foutrement bien écrit,
et qui rend hommage à une multitude de genres cinématographiques en
exagérant leurs traits plus caricaturaux. Bref, un film amusant, mais
bougrement intelligent.
Cette seconde moitié du dernier rejeton de Tarantino est assez différente
de la première, je vous avertis. Si le premier était exagéré dans sa
violence et dans ses flots d'hémoglobine, le deuxième, de son côté,
y est beaucoup plus modéré. Côté rythme, la différence est radicale
et les dialogues et lintrigue volent ainsi la place aux membres
sectionnés et aux giclées de sang sorties de mannequins tuyautés. Eh
oui, ceux qui sattendent à un film endiablé ayant la même dynamique
que son prédécesseur risquent dêtre très surpris.
On retourne donc impatiemment aux aventures de la séduisante mariée
assoiffée de vengeance et armée de son tranchant katana responsable
de la boucherie à House of the Blue Leaves. Elle nous introduit à la
poursuite de son chemin et de ses idées de vengeresse à bord dune
décapotable, alors quun décor au grain prononcé défile en arrière-plan
et donne à la scène un look hypnotique et quasi surréaliste où deux
époques cinématographiques samalgament et forment des plans magnifiquement
photographiés. Un délice pour lil ! La mariée (l'excellente
Uma Thurman), maintenant quelle sest débarrassée de Vernita
Green(Vivicia Fox) et ORen Iishi (Lucy Liu), débarquera chez Budd
(Michael Madsen), frère du fameux Bill, où elle affrontera également
Elle Driver (Daryl Hannah). Bien évidemment, cette suite daffrontements
féroces et de retours en arrières ingénieusement intégrés mènera à laffrontement
final, où notre héroïne et son adversaire auront une conversation révélatrice
avant de passer au combat tant attendu. On peut donc constater que le
scénario conserve la même direction quil avait entreprise dans
le premier chapitre. Scénario qui, au niveau de lhistoire, est
dune grande simplicité malgré ses subtiles et abondantes richesses
qui, dans cet épisode, sont davantage développées.
Côté réalisation, Tarantino signe ici sa meilleure uvre. Il agit
littéralement en caméléon à ce niveau. Les scènes où la protagoniste
devient lapprentie de Pai Mei sont tout bonnement hilarantes.
Tarantino réalise un pastiche des films japonais des années 1960/70
avec des zooms in et zooms out tout à fait propres à lépoque.
Il y a également plusieurs séquences qui, dans leur lenteur et leur
intensité, rappellent fortement les westerns spaghettis à la Sergio
Leone. Bref, Kill Bill Vol.2 est un sac à surprises où chaque
scène offre de nouvelles couleurs, une nouvelle définition dimage,
et une toute nouvelle atmosphère jouissive. Plusieurs procédés tel que
la variation au niveau du grain de limage, variant selon les époques
honorées dans chaque scène, sont utilisés dans la réalisation. Ce qui
est fabuleux, cest que Tarantino réussit parfaitement à les incorporer
à son récit (récit dont la diégèse est actuelle) en tant quhommages.
Avec ses références sublimes, ses clins dil incessants et
jubilatoires et son ambiance cinématographique unique à chaque sous-division,
Kill Bill Vol.2, visuellement, se savoure autant sinon plus que
la première partie. Cette fois-ci, cependant, un il de gastronome
du cinéma est requis pour en déceler tout le contenu. La composition
des plans ainsi que leur texture prononcée fait de chaque photogramme
une image digne de figurer sur des cartes postales et des affiches dans
une dizaine dannées. De plus, les mouvements de caméra appuient
parfaitement la dramatique des scènes, tout en dynamisant efficacement
plusieurs séquences.
En ce qui concerne linterprétation, cest très réussi. Uma
Thurman interprète avec conviction son impitoyable personnage, David
Carradine offre une impressionnante variété de nuances dans lextrémisme
de Bill, apportant au personnage un caractère texturé et merveilleusement
adapté au récit caricatural. Parmi la grandiose distribution, Chia Hui
Liu interprétant Pai Mei et Michael Madsen dans le rôle de Budd sont
absolument époustouflants. Se fusillant de répliques mordantes dans
des dialogues à la fois croustillants et épiques rédigés par le génial
Tarantino, les acteurs campent tous harmonieusement leur rôle respectif,
tout en offrant une présence physique souvent farfelue et épigrammatique
particulièrement appréciable.
Somme toute, ce second volet conclut assez prodigieusement une uvre
que je nhésiterais pas à qualifier de mémorable. Tarantino atteint
ici un apogée stylistique dune virtuosité incomparable. Même si,
vers le dénouement du film, certaines scènes deviennent quelque peu
languissantes, cette légère exagération dans lexcès global du
film ne vient en rien gâcher le rythme déjà lent et intense pastiché
des légendaires westerns de Leone. Il est difficile de simaginer
ce quaurait été Kill Bill sil navait pas été
divisé en deux volumes. Ceux-ci sont totalement distincts et le bouleversement
au milieu du film aurait été phénoménal, voire même déplacé. Kill
Bill est, même sil ne sagit somme toute pas du meilleur
film de Quentin Tarantino, un divertissement difficile à surpasser dans
son genre. Lenthousiasme et le plaisir qua connus le célèbre
réalisateur en faisant ce film se ressentent beaucoup et sont extrêmement
contagieux. Même sil ne sagit pas dune forme de cinéma
généralement très recherchée, le film de Tarantino redéfinit clairement
le genre avec raffinement. Merci à lui de sêtre fait un aussi
beau cadeau et, par le fait même, de nous loffrir. Kill Bill
Vol.2, comme la première moitié, est véritablement une référence
en matière dexcellent divertissement, où non seulement la vue
et louïe se régalent, mais également la matière grise. Ça fait
changement des « bols de pop corn gras sur écran » qui infestent nos
écrans depuis belle lurette
et ça a le même bon goût bien salé
et beurré...sans tacher les doigts
ou infecter les neurones.
Version française :
Tuer Bill : Volume 2
Scénario :
Quentin Tarantino
Distribution :
Uma Thurman, David Carradine, Michael Masden, Daryl
Hannah
Durée :
137 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
19 Avril 2004