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KEBAB CONNECTION (2005)
Anno Saul

Par Jean-François Vandeuren

La première scène de Kebab Connection n’aurait pu donner mieux le ton au plus récent effort d’Anno Saul. Pourtant, elle n’a pas le moindre lien avec le reste de l’histoire. Le réalisateur allemand débute ainsi sur une séquence de kung-fu complètement bidon dans laquelle deux « spécialistes » en arts martiaux se battent jusqu’à la mort dans un restaurant turc pour mettre la main sur le dernier shish taouk de la journée. Évidemment, les lumières se rallument peu de temps après et révèlent que le tout n’était qu’un spot publicitaire réalisé par Ibo, un jeune Allemand d’origine turc rêvant de mettre en scène le premier film de kung-fu allemand. Sa vie sera toutefois chamboulée lorsque sa copine, Allemande de souche, lui apprendra qu’elle attend un enfant. Entre son père qui le reniera pour avoir mis enceinte une Allemande et ses ambitions de cinéaste, Ibo devra prouver qu’il est assez mature pour être un bon père. Mais le désire-t-il, simplement?

Si par la suite Kebab Connection tire davantage son épingle du jeu en misant sur son appartenance à la comédie romantique, Anno Saul n’évacue jamais complètement le côté légèrement fêlé de sa séquence d’ouverture. Le cinéaste allemand nous convit ainsi à une comédie hilarante abordant avec intelligence et bon goût les diverses craintes reliées à la paternité. Évidemment, l’effort récupère de façon peu subtile le traditionnel récit s’amusant aux dépens du choc culturel venant mettre sens dessus dessous l’existence de deux jeunes amoureux d’origines différentes, lequel devint particulièrement populaire suite au succès monstre du My Big Fat Greek Wedding de Joel Zwick. La différence dans ce cas-ci est qu’Anno Saul utilise cette idée non pas pour donner le ton à son film sur le plan humoristique, mais plutôt pour le mettre en contexte. Sans offrir le discours le plus aboutis qui soit sur le sujet, Saul dresse à tout le moins un portrait fort pertinent d’une réalité entourant l’immigration en occident et des différends ethniques pouvant en découler sans forcément faire de cette problématique son cheval de bataille.

En soi, la réussite de Kebab Connection est tout simplement l’histoire d’un film rayonnant mis en scène d’une manière on ne peut plus sympathique et énergique. Le plus surprenant est que nous nageons constamment dans un humour plus grand que nature où les situations comiques sont, pour la plupart, soulignées à gros traits. Mais devant tout l’entrain avec lequel Anno Saul développe son récit, nous ne pouvons que le suivre dans ses élans sans poser de question et espérer le meilleur. Pour arriver à ses fins, le cinéaste s’en remit également à un éventail de personnages dont les traits reprennent évidemment certains archétypes sociaux exploités depuis des lustres par le cinéma. Ces derniers ne sont par contre jamais réduits qu’à de simples stéréotypes ambulants. Ainsi, l'effort de Saul ne sombre pas dans la généralisation et le réalisateur confère plutôt à ses sujets un caractère unique, parfois un peu naïf, mais faisant part malgré tout d’une grande sincérité. Le cinéaste accorde d’ailleurs un rôle privilégié à la plupart de ses personnages féminins, leur donnant un caractère plus ludique, voire dominant, peu importe leur âge ou leur origine. L’ensemble est mené à bon port par une distribution d'acteurs qui épatent par leur jeu respectif mélangeant réalisme et certains traits plus colorés. De celle-ci se distinguent particulièrement les deux têtes d’affiche du film : Denis Moschitto et Nora Tschirner.

Kebab Connection est la comédie romantique légère que tout réalisateur s’adonnant au genre rêve de réaliser un jour. D’une part, Anno Saul utilise à bon escient les différentes touches de folie narrative qu’il confère à son récit, passant par le burlesque et l’absurde de façon éparpillée tout en suivant une ligne directrice tout ce qu’il y a de plus solide. Pour sa part, le passage du temps à l’image d’un compte à rebours ordinairement exploité par ce genre de récit est mis en scène dans ce cas-ci de façon beaucoup plus nuancée. Le cinéaste allemand accorde ainsi une importance particulière à chaque séquence de son film plutôt que d’exploiter à outrance la bonne vieille formule du montage musical. Saul évite ainsi la redondance et s’en tire en bout de ligne avec un effort aussi cocasse (souvent désopilant, même) qu’intelligent. À découvrir.




Version française : -
Scénario : Fatih Akin, Ruth Toma, Jan Berger, Anno Saul
Distribution : Denis Moschitto, Nora Tschirner, Hasan Ali Mete, Andrea Paula Paul
Durée : 96 minutes
Origine : Allemagne

Publiée le : 31 Août 2006