JOINT SECURITY AREA (2000)
Park Chan-Wook
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Même si ce n'est qu'avec la sortie d'Oldboy en 2005 que
Park Chan-Wook a réussit à percer auprès d'un plus
large public en Amérique, le cinéaste coréen est
depuis plusieurs années déjà des plus respectés
dans son pays d'origine. Fort d'un budget avoisinant les trente millions
de dollars, son Joint Security Area est non seulement l'une
des productions les plus onéreuses de l'histoire du cinéma
coréen mais aussi un énorme succès commercial qui
ose de surcroît aborder une question sensible, celle de la division
de la Corée. Film de commande, Joint Security Area n'est certes
pas marqué par la même signature personnelle qu'Oldboy
ou Sympathy For Mister Vengeance. Les cinéphiles nord-américains
ne seront d'ailleurs aucunement dépaysés par la nature
de cette intrigue policière servie sur fond de mystère
militaire. La formule, régulièrement exploitée
par le cinéma hollywoodien, est cependant traitée avec
plus d'intelligence qu'à l'habitude.
C'est au 38e parallèle, dans la zone la plus militarisée
au monde, que se déroule Joint Security Area. À
la frontière de la Corée du Nord et de la Corée
du Sud, deux soldats communistes sont assassinés dans des conditions
nébuleuses par un officier sud-coréen. L'incident, qui
semble à première vue n'être qu'une fâcheuse
escarmouche résultant de la tension constante entre ces deux
ennemis placés nez-à-nez, cache toutefois une histoire
bien plus complexe. La jeune représentante du Comité de
supervision des nations neutres chargée d'enquêter sur
les événements découvre bien sûr des inconsistances
dans la version des faits présentée par les deux camps
et cherchera à comprendre
En fait, Joint Security Area relate par l'entremise de flash-backs
l'improbable amitié unissant des individus que la guerre sépare.
Ce scénario classique, qui nous ramène à la glorieuse
Grande illusion de Jean Renoir, permet à Park Chan-Wook
de proposer un film grand public sur un sujet qui déchire son
pays. Force est d'admettre que le produit final est on ne peut plus
conventionnel, surtout compte tenu de la feuille de route du réalisateur.
On retrouve ici cette thématique fondamentale du cinéma
coréen contemporain qu'est la confrérie de la guerre.
Heureusement, Park Chan-Wook évite dans l'ensemble le sentimentalisme
larmoyant caractéristique du travail de plusieurs de ses compatriotes.
Bien entendu, Joint Security Area est un film grand public
avec tout ce que cela implique de facilité psychologique. Mais
le scénario demeure crédible et le drame raconté
s'avère somme toute assez touchant. Alors que règle générale
le travail de Park Chan-Wook est d'abord esthétique, JSA
est surtout axé sur une certaine substance au niveau humain.
Quelques transitions particulièrement raffinées révèlent
le passage du maître, mais rien n'arrive à faire oublier
le splendide montage en casse-tête d'Oldboy. La formidable
verve visuelle de ce véritable tour de force formel est encore
au stade d'ébauche à l'époque de ce Joint Security
Area, qui risque d'ailleurs de décevoir ceux qui espèrent
un thriller sadique dans la veine du deuxième film du cycle de
la vengeance.
Grosso modo, le quatrième film de Park Chan-Wook est un film
de commande solide qui intéressera surtout les amateurs de cinéma
coréen et les fervents du réalisateur. L'éternelle
morale selon laquelle les hommes sont tous semblables malgré
les frontières qui les séparent n'a rien d'une révélation,
mais elle ne sera jamais dépassée non plus. Il est facile
de comprendre pourquoi Joint Security Area fut un succès
dans son pays d'origine; d'une manière somme toute timide, il
affirme que le temps de la guerre est passé et propose une avalanche
de bons sentiments sans tomber dans la mièvrerie imbuvable. On
est toutefois loin d'avoir affaire à un incontournable.
Version française : -
Version originale : Gongdong gyeongbi guyeok JSA
Scénario : Jeong Seong-san, Kim Hyeon-seok, Lee Mu-yeong,
Park Chan-Wook
Distribution : Lee Yeong-ae, Lee byung-hum, Song Kang-ho, Kim
Tae-woo
Durée : 110 minutes
Origine : Corée du Sud
Publiée le : 5 Février 2006
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