UNE JEUNE FILLE À LA FENÊTRE (2001)
Francis Leclerc
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Marthe (Fanny Mallette), une jeune pianiste habitant la campagne, quitte
son village natal pour aller étudier en ville. Si elle part,
c'est grâce à l'argent de monsieur Dubé (Denis Bernard)
qu'elle promet d'épouser à son retour. À Québec,
elle découvre la vie d'artiste, les clubs de jazz et l'amour.
Elle ment à ses nouveaux amis quant à ses origines, s'invente
une nouvelle famille et commence une vie nouvelle. Malheureusement,
la malformation cardiaque dont elle est atteinte finit par avoir raison
de sa passion de vivre. La jeune fille devra choisir entre la poursuite
illusoire de ses rêves et le retour à la réalité.
À la base, Francis Leclerc raconte avec ce premier film une histoire
déjà présentée de multiples fois. Le thème
du passage de la campagne à la ville n'en est pas à ses
premiers balbutiements, pas plus que ce personnage de jeune fille condamnée
qu'interprète Fanny Mallette de façon nuancée.
Si le jeune réalisateur arrive à capter l'intérêt
du spectateur malgré le classicisme de son scénario, c'est
en partie grâce à la qualité remarquable du traitement
visuel d'Une jeune fille à la fenêtre et des performances
attachantes et assez recherchées qu'il arrive à tirer
de ses acteurs. Avec l'aide du directeur de la photographie Steve Asselin,
le même qui signait les images remarquable du second film de Leclerc,
Mémoires affectives, le réalisateur québécois
signe ici une production à l'esthétique soignée
qui comporte quelques séquences remarquables. À l'instar
de cet autre film, les scènes en milieu rural s'avèrent
d'une grande beauté et semblent inspirer le réalisateur
plus que les paysages urbains.
Là où le bas blesse, c'est que Leclerc tente ici d'amalgamer
film d'époque et production moderne en un tout cohérent.
Cette idée, bien qu'elle soit intéressante, ne s'avère
pas toujours exploitée de façon juste. Plus précisément,
les traces de musique électronique qu'ajoute Pierre Duchesne
à l'ensemble s'avèrent un drôle de contraste difficile
à justifier au coeur d'une histoire se déroulant en 1925.
Les scènes baignées dans le jazz dixie semblent beaucoup
plus naturelles alors que ces touches musicales plus à la mode
brisent quelque peu l'atmosphère du film en plus d'assurer qu'il
aura vieilli drôlement dans une dizaine d'année. Heureusement,
le rythme posé d'Une jeune fille à la fenêtre
arrive en soi à embarquer le spectateur. Le montage sonore s'avère
au-dessus de la moyenne et ajoute à cet effet global d'immersion.
Une jeune fille à la fenêtre est somme toute ingénieusement
présenté malgré certains choix douteux.
Règle générale, Francis Leclerc offre avec Une
jeune fille à la fenêtre un premier essai fort intéressant
dont certaines des qualités les plus marquées seront exploitées
avec brio trois ans plus tard dans Mémoires affectives.
Sans être un incontournable, son film présente des points
forts indéniables. À défaut d'offrir une histoire
originale, Une jeune fille à la fenêtre raconte
celle-ci de façon intéressante et traite ses personnages
avec finesse. Encore mieux, le travail de l'image s'avère, comme
dans plusieurs productions québécoises récentes,
des plus intéressants.
De plus, le réalisateur dresse en parallèle à l'évolution
de Marthe le portrait d'une période de mutation. Les suffragettes
sortent dans la rue pour obtenir le droit de vote des femmes alors que
la jeune fille se détache des valeurs conservatrices qui ont
régi son enfance. Le conflit entre les valeurs traditionnelles
québécoises et celles d'une certaine jeunesse émancipée
semble au coeur du film. Cela dit, Leclerc et ses trois co-scénaristes
effleurent ces thèmes sans jamais les explorer en profondeur.
Le fait que la jeune musicienne aille vivre ses derniers jours en compagnie
de sa famille semble à tout le moins pointer en direction d'une
remise en question de la disparition de certaines de ces valeurs traditionnelles
lors de la Révolution tranquille. Mais le film de Leclerc demeure
à ce sujet plutôt obscur. Il reste en fin de compte un
drame psychologique bien mené mais quelque peu convenu qui mérite
malgré tout d'être vu par ceux qui s'intéressent
au cinéma québécois actuel.
Version française : -
Scénario :
Marcel Beaulieu, Francis Leclerc
Distribution :
Fanny Mallette, Denis Bernard, Jean-Robert Bourdage
Durée :
90 minutes
Origine :
Québec
Publiée le :
21 Février 2005