JASON AND THE ARGONAUTS (1963)
Don Chaffey
Par Alexandre Fontaine Rousseau
À quel moment les effets spéciaux dépassent-ils
le domaine de la technique pour devenir une forme d'art en soi? Véritable
légende vivante de l'animation en stop-motion, Ray Harryhausen
est l'une des figures emblématiques de cette forme vétuste
de magie cinématographique qu'est l'animation image par image.
Au même titre que le grand illusionniste du cinéma primitif
Méliès, Harryhausen aspirait à offrir au public
des spectacles grandioses qui transcenderaient la réalité.
Son cinéma est une véritable matérialisation du
rêve à l'écran. Mais bien au-delà de l'effort
parfois surhumain qu'il aura déployé pour réaliser
certaines des créatures de son imposant répertoire, Ray
Harryhausen était un grand enfant qui cherchait à faire
de la magie. C'est son travail artisanal sublime qui permettra à
Jason and the Argonauts, péplum de série-B compétent
mais convenu, d'atteindre le statut de classique culte du cinéma
fantastique.
Orphelin suite au massacre de sa famille par un roi despotique, le vaillant
Jason se lance à la recherche de la légendaire Toison
d'or en espérant pouvoir ainsi gagner le respect et la confiance
du peuple qui lui revient de droit. Son équipage réunit
certains des plus grands héros grecs et la déesse Médée
l'appui dans sa quête. Mais malgré cela, la route qui mène
à la Toison d'or est parsemée d'embuches... et de créatures
animées en stop-motion.
Personne n'apprendra à écrire un scénario grandiose
en écoutant Jason and the Argonauts. En fait, rarement
un contenu mythologique aussi imposant a-t-il été traité
de façon aussi anecdotique et épisodique. La narration
progresse à l'aide du genre de pivots instantanés que
l'on croirait tout droit sortis d'une boite de Cracker Jack. C'est:
«Ah! Ah! Jason je t'aime!», par-ci et: «Oh! Oh! Je
suis un traitre Jason!», par-là. Rarement un demi-dieu
a-t-il paru aussi peu astucieux que ne l'est le Hercules de Nigel Green
et les vrais Dieux, quant à eux, sont plus ou moins réduits
à se quereller entre eux en écoutant la télévision
quelques millénaires avant l'invention du câble.
Pourtant, on ne s'ennuie pas une minute en écoutant Jason
and the Argonauts, en grand partie grâce au travail tout
simplement splendide de Ray Harryhausen. Considéré par
plusieurs, dont le maitre lui-même, comme étant le fleuron
d'une filmographie bien garnie, Jason and the Argonauts est
un enchainement remarquable de moments d'anthologie de l'histoire du
cinéma d'effets spéciaux. L'attaque du titan Talos est
époustouflante, tout comme le demeure encore aujourd'hui le duel
entre Jason et l'hydre qui défend la Toison. Mais tous conservent
leur émerveillement pour le sommet indéniable du film,
cet époustouflant combat de trois minutes entre Jason et les
sept squelettes. Trois minutes de spectacle qui auront demandé
quatre mois d'animation.
Dans ces moments particuliers, Jason and the Argonauts se transforme
en véritable chef-d'oeuvre d'une ère révolue. On
oublie presque la direction d'acteurs sans aucune subtilité et
la réalisation inégale de Don Chaffey, parfois maladroite
faute de moyens. Harryhausen, lui, ne souffre aucunement du financement
déficient. Sa magie prend forme à force de travail acharné,
de sueur et de passion. Il n'est pas étonnant que le festival
Fantasia ait cette année décidé de décerner
à l'animateur un prix pour l'ensemble de son oeuvre. Harryhausen
et ses créatures représentent tout ce qu'il y a de beau
et d'inspirant à trouver dans le cinéma fantastique. Voici
l'exemple même d'un film de série-B qui aspire véritablement
à émerveiller. Les amateurs d'effets spéciaux modernes
prétendument réalistes riront un bon coup devant ce spectacle
d'une autre époque. Mais ceux qui recherchent l'émerveillement
dans l'effet visuel seront ravis.
Version française :
Jason et les argonauts
Scénario :
Beverly Cross, Jan Read
Distribution :
Todd Armstrong, Nancy Kovack, Gary Raymond, Laurence
Naismith
Durée :
104 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
31 Juillet 2005