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IRON MAN (2008)
Jon Favreau

Par Jean-François Vandeuren

En visite dans le désert de l’Afghanistan à l’occasion d’une démonstration militaire, l’industriel américain Tony Stark (Robert Downey Jr.) est soudainement enlevé par un groupe de terroristes qui le forcera à fabriquer un exemplaire du tout dernier missile de son invention en échange de sa propre vie. Mais plutôt que d’acquiescer aux demandes de ses ravisseurs, le génie de l’ingénierie se servira du matériel mis à sa disposition pour construire une armure métallique superpuissante dans le but de s’évader du campement où il est tenu en captivité depuis déjà plusieurs semaines. Blessé au coeur lors de l’attaque, Stark élaborera un dispositif révolutionnaire qui lui permettra d’abord de rester en vie et qui lui fournira plus tard l’énergie nécessaire pour alimenter la nouvelle machine de guerre de son cru. Une fois revenu en sol américain, l’homme d’affaire sombrera dans une profonde désillusion, résultat d’un dur contact avec une réalité dans laquelle ses inventions ne servent pas seulement qu’à défendre les intérêts de son pays, mais aussi à armer les pires voyous de la planète jusqu’aux dents. Dans un élan de bonne foi, Stark cherchera à fermer la division militaire de sa compagnie afin d’approfondir les recherches entreprises durant son long séjour à l’intérieur des grottes afghanes. Malheureusement, l’associé de Stark, Obadiah Stane (Jeff Bridges), ne verra pas les choses du même oeil et tentera d’écarter ce dernier du processus décisionnel de la société afin de lui soutirer les secrets de sa spectaculaire évasion et de pouvoir continuer à vendre des armes aux plus offrants.

À l’image de la série X-Men et de son habile dénonciation du racisme et de l’intolérance, Iron Man exhibe lui aussi une conscience sociale allant bien au-delà de l’étude de personnage autour de laquelle tournaient sensiblement toutes les productions cinématographiques tirées de l’univers Marvel ayant vu le jour au cours de la dernière décennie. Ainsi, si le présent effort fusionne au départ le parcours typique d’un superhéros à celui d’un richissime homme d’affaire prenant soudainement conscience de tout le bien qu’il est en mesure d’accomplir, Iron Man soulève par la suite un nombre assez surprenant de préoccupations politiques, économiques et même écologiques tout en remaniant à sa façon les inévitables notions de pouvoir, de responsabilité et de justice ordinairement associées à ce genre de récit. Même si le passage de playboy fringant à héros du peuple de Tony Stark s’effectue ici d’une manière quelque peu naïve, il s’en dégage néanmoins une sincérité et un sens de la réparti qui assurent un certain équilibre à l’ensemble tout en lui permettant de remettre vivement en question l’éthique industriel ainsi que le bien-fondé du système militaire de nos voisins du Sud. Une idée qui sera particulièrement bien exprimée dans une séquence où notre héros en devenir déploiera pour une première fois son artillerie lors d'une intervention musclée en territoire hostile afin de réparer certaines erreurs du passé, arrivant sur les lieux en véritable sauveur sans toutefois chercher à prolonger son séjour outre mesure pour permettre au peuple opprimé de devenir le seul maître de sa propre destiné.

Il faut remonter en soi jusqu’au début des années 90 pour retracer la première tentative d’adaptation cinématographique de la populaire bande dessinée créée par Stan Lee, Larry Lieber, Don Heck et Jack Kirby. Sur papier, la franchise avait déjà été mise à jour afin de resituer les origines du personnage dans le contexte de la Guerre du Golfe. La crise n’ayant finalement durée que quelques mois, le projet fut relégué aux oubliettes, comme si les producteurs en possession des droits à l’époque attendaient patiemment qu’un nouveau conflit éclate pour pouvoir le ramener à la vie. Après avoir passé un certain temps sur le bureau de Stuart Gordon, de Quentin Tarantino, de Joss Whedon puis de Nick Cassavetes, c’est finalement entre les mains de Jon Favreau (Elf, Zathura) qu’Iron Man termina sa course, à un moment où - curieusement - l'armée américaine est à nouveau déployée un peu partout au Moyen-Orient. S’il est vrai que le réalisateur américain n’impose ici aucune forme de signature visuelle comme avaient pu le faire Ang Lee pour Hulk ou même Sam Raimi pour Spider-Man, cela explique peut-être pourquoi ce dernier fut choisi pour mener la présente production à terme alors que les studios Marvel peuvent désormais se permettre d’imposer leur vision artistique à l’écran plutôt que de laisser les grands studios hollywoodiens la trafiquer comme bon leur semble. Dans cette optique, Favreau livre la marchandise en proposant un divertissement intelligent et diablement efficace dont le propos n’est fort heureusement jamais éclipsé par la puissance des effets spéciaux ou des séquences d’action.

Le cinéaste américain est également épaulé par une distribution tout simplement impeccable de laquelle se démarquent notamment Robert Downey Jr., parfait dans la peau d’un Tony Stark aussi décontracté que charismatique, et Jeff Bridges, qui a visiblement pris un malin plaisir à jouer les mégalomanes sans scrupule. Iron Man est donc le genre de production à grand déploiement exécutant une formule bien établie, mais avec un savoir-faire indéniable et un enthousiasme contagieux, dont les studios Marvel avaient précisément besoin pour redorer leur blason et faire oublier l'échec des lamentables Ghost Rider et Fantastic Four. Tout comme le premier numéro d’une nouvelle série de bandes dessinées, le présent effort s'impose avant tout comme une simple introduction à un univers fantastique beaucoup plus complexe et ambitieux. Par conséquent, quelques-uns des thèmes phares de la franchise, dont l’alcoolisme, n’ont pas nécessairement été ignorés ici dans le but de rejoindre un plus large public, mais plutôt préservés pour la suite des événements. L’expérience s’avère néanmoins réussi d’un point de vue cinématographique grâce à la réalisation appliquée et particulièrement dynamique de Jon Favreau et à la minutie et la patience dont fit preuve son équipe de scénaristes lors de l’élaboration de leur récit, rendant ainsi plus que justice à un héros dont les fondements ne sont évidemment pas sans rappeler ceux d’un certain Bruce Wayne, mais dont le réel pouvoir demeure ici le génie humain beaucoup plus que la force brute ou les moyens financiers.




Version française : Iron Man
Scénario : Mark Fergus, Hawk Ostby, Arthur Marcum, Matthew Hollaway
Distribution : Robert Downey Jr., Terrence Howard, Gwyneth Paltrow, Jeff Bridges
Durée : 126 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 12 Mai 2008