THE IRON GIANT (1999)
Brad Bird
Par Jean-François Vandeuren
Dans une certaine mesure, l’abandon progressif du dessin animé
traditionnel par les grands studios américains au profit des
nouvelles technologies numériques n’a rien de vraiment
surprenant et peut même facilement s’expliquer par deux
phénomènes. D’une part, grâce au succès
foudroyant des productions signées de la griffe de Pixar. Et,
à l’opposée, par la perte de popularité des
films d’animation des studios Disney. La multinationale finit
d’ailleurs par frapper un mur de taille au début des années
2000, d’un point de vue créatif, ce qui n’aida aucunement
sa cause auprès d’un public de moins en moins présent
pour célébrer la sortie de leur dernier véhicule
promotionnel pour une multitude de produits dérivés. Même
s’il ne fut pas le dernier de son espèce, The Iron
Giant de Brad Bird marqua à sa façon la fin d’une
ère. Ce dernier forma ainsi une synthèse ingénieusement
modeste d’à peu près tout ce qui fut accompli au
fil des années dans le domaine du cinéma pour enfants
aux États-Unis. Bird prit par contre le temps d’évacuer
de son récit toute forme de ton moralisateur en cherchant plutôt
à exposer ses idées d’une manière pas forcément
nuancée, mais qui pousse néanmoins vers une réflexion
tout ce qu’il y a de mieux intentionnée sans qu’on
y décerne une odeur de guimauve brûlée.
Adapté du livre pour enfant de Ted Hughes, le film de Brad Bird
nous replonge dans l’Amérique de la fin des années
50 pour nous raconter l’histoire d’un géant métallique
venu sur Terre pour des raisons nébuleuses. Après un incident
aux abords d’une centrale électrique, ce dernier perdra
complètement la mémoire et se liera alors d’amitié
avec un jeune garçon du coin et un artiste ayant pour matériau
le métal. Tous deux remarqueront avec le temps que malgré
sa stature gigantesque, ce nouveau venu n’a rien de bien méchant,
ce que refusera cependant de croire un agent des services secrets qui
pensera plutôt avoir affaire à une machine de destruction
envoyée par les communistes.
Le style visuel adopté par Brad Bird et son équipe suit
directement la ligne directrice du récit et s’affiche ainsi
sous des traits beaucoup plus fades que ceux des tous derniers films
du genre qui, pour leur part, tentèrent d’amener à
l’écran une palette de couleurs aussi vive que possible.
Le cinéaste confère alors à l’ensemble une
atmosphère de nostalgie, tout en usant des plus récentes
techniques d’animation afin que l’effort soit tout de même
bien de son temps. Un détail qui paraît particulièrement
au niveau de la physionomie des différents personnages dont l’allure
vient amplifier le cachet plutôt vieillot du film. Nous penserons
en ce sens au look du fameux géant de fer qui se veut un hommage
évident aux robots gigantesques des récits de science-fiction
et de série B de l’époque. Cette caractéristique
s’applique également à la façon dont le récit
est évoqué, lequel nous ramène d’une manière
fort convaincante au mode de vie des années 50, aux États-Unis.
Le film présente d’ailleurs cette période sur un
ton à la fois très représentatif et satirique,
en particulier en ce qui a trait au début de la guerre froide,
à la conquête spatiale et aux inquiétudes face au
communisme et à la menace nucléaire. Par le biais d’observations
toujours justes et amenées de façon humoristique, Bird
tisse des liens pas très subtils, mais tout de même fort
bien exécutés, avec l’état actuel de la politique
américaine, en particulier en ce qui a trait à la façon
dont les autorités exagèrent et déforment souvent
les faits afin de plonger constamment la population états-unienne
dans un climat de frayeur et de paranoïa. Le cinéaste renverse
ainsi agilement la vapeur en interpellant un public adulte à
travers des intentions toujours élaborées d’une
manière bon enfant.
Il s’agit également d’un constat qui fonctionne à
contre-courant alors que Bird livre un discours par le biais du géant
de fer cherchant à mettre en valeur que l’existence de
tous et chacun découle de choix personnels et non de nos origines
ou du régime politique d’un pays. Un film qui présenta
Brad Bird comme l’un des cinéastes de films d’animation
pour enfants les plus talentueux et prometteurs des dernières
années. Ce dernier parvint à se démarquer du lot
en amenant à l’écran une base de réflexions
des plus consistantes sur la société américaine,
autant celle des années 50 que celle d’aujourd’hui.
The Iron Giant effectue en ce sens un brillant mélange
d’observations politiques, sociales et culturelles, rendues sur
une toile de fond dépeinte avec intelligence, humour et créativité,
interpellant toujours le spectateur avec le plus grand respect, peu
importe son âge et indépendamment du niveau auquel la lecture
du film est effectuée.
Version française : Le Géant de fer
Scénario : Brad Bird, Tim McCanlies, Ted Hughes (livre)
Distribution : Eli Marienthal, Jennifer Aniston, Harry Connick
Jr., Vin Diesel
Durée : 86 minutes
Origine : États-Unis
Publiée le : 25 Mars 2006
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