I, ROBOT (2004)
Alex Proyas
Par Frédéric Rochefort-Allie
Depuis quelques années, la mode est aux adaptations de romans
de science-fictions d'auteurs célèbres. Après avoir
quasi tout adapté (ou massacré dans certains cas) l'oeuvre
de Phillip K. Dick, le choix logique fut de se tourner vers Asimov,
la bible de la robotique. Le terrain étant déjà
tâté par Spielberg il y a de cela très peu d'années,
Proyas n'eut pas vraiment besoin de s'investir à fond dans le
projet pour s'y assurer un gros budget. C'est d'ailleurs ce qui lui
avait cruellement manqué lors du tournage de Dark City,
film pourtant acclamé par la critique. Bref, le réalisateur
disposait avec I, Robot de bien des libertés, ce qui
fit rêver plus d'un fan d'Asimov et du cinéaste.
Le détective Spooner ( Will Smith), un policier détestant
les robots au plus haut point, se voit chargé de l'enquête
sur le suicide du président de la USR, firme très importante
en robotique. Spooner, observant les faits, penche plus vers le meutre...par
un robot! Est-ce une détraction aux 3 règles de base de
la robotique, est-ce un complot orchestré par un humain? Tout
cela reste à prouver.
Le nom d'Asimov est synonyme de qualité. Considéré
comme un maitre, il est dur de choisir un matériel d'adaptation
plus solide dans le genre de science-fiction. Cependant, il faut croire
qu'Hollywood nous prouve une fois de plus que tout est possible, même
de se tirer dans les pieds. Si à la base I, Robot est
un film très intriguant et songé, il n'en est pas autant
de sa réécriture. Il semblerait que dans un désir
de toucher un public plus vaste, les producteurs aient approché
Akiva Goldsman pour beurrer le scénario de gags bien épais.
Peut-être serait-t-il important de spécifier à ces
mêmes personnes ayant choisit le scénariste que généralement
la réécriture sert à boucher les trous et non à
en créer. Quel coup de génie d'ailleurs que de choisir
l'homme derrière de grands films tels Batman & Robin
ou Lost In Space. L'introduction est une atrocité scénaristique
que tout fan d'Alex Proyas, incluant aussi ceux qui le découvrent,
devrait éviter. En effet, le personnage de Will Smith est si
mal introduit qu'on en vient à le détester. Le détective
Spooner raconte une mauvaise blague à chaque respiration. Certaines
scènes sont marquantes par leur nullité aberrante, on
en vient même à se demander s'il ne s'agit pas d'une suite
de Men In Black boostée aux mauvais gags. Miraculeusement,
le style de Proyas finit par resurgir des abysses vers le deuxième
tiers du film. Le film quitte tranquillement les clichés omniprésents,
pour se concentrer sur son adaptation, infidèle mais intéressante
en soi, de l'oeuvre d'Asimov.
Will Smith, ne disposant que d'un personnage dont le développement
fut très pauvre, n'est pas mauvais. Compte tenu de ce qu'il doit
jouer, l'acteur s'en tire bien. Dans les scènes les plus sombres,
Will Smith nous rappelle vaguement sa très bonne performance
dans Ali. Les acteurs sont donc victimes du scénario,
tous sauf un. En effet, le personnage 3-D Sonny, dont l'acteur à
l'origine de la performance est quasi inconnu, s'élève
parmi les points les plus positifs du film. Son interprétation
est particulièrement attachante et réaliste et Sonny prend
ainsi vie sous nos yeux, probablement aussi parce que le scénariste
de la réécriture n'a pas osé y rajouter de ses
gros gags à l'humour bien gras. Sonny est probablement l'un des
meilleurs robots dans l'histoire du cinéma jusqu'à présent,
ne déclassant quand même pas le mythique HAL.
Ceux qui seront venus voir I, Robot dans l'idée d'y
voir un Dark City 2, vont être déçus. Le
véritable Proyas se pointe un peu tard. Ce n'est que lorsque
le film prend un ton plus sérieux que l'on y retrouve une ambiance
plus sombre et des plans plus recherchés. D'ailleurs, c'est dans
ces moments que la présence de Patrick Tatopoulos, le directeur
artistique, se fait plus remarquée. Les scènes d'actions
ne révolutionneront rien en cet été 2004, mais
la réalisation est supérieure aux films d'actions hollywoodiens
typiques. Un léger dosage de ralentis, de 360 degrés et
de shaky-cam n'auraient certainement pas nui à certaines
scènes, mais comparé aux excès flagrants de techniques
similaires chez Matrix Reloaded par exemple, rien n'est dérangeant.
D'ailleurs, ces effets sont mieux appliqués.
Donc film à éviter si vous recherchez un film nécessitant
plus d'activité cérébrale ou un divertissement
où on laisse carrément son cerveau de côté.
Le film trouvera difficilement un public et s'en est regrettable pour
un film d'Alex Proyas. Somme toutes, I, Robot est un bon film
d'été, mais rien d'aussi mémorable que Dark
City. Outre quelques combats de robots, on se souviendra a peu
près juste de Sonny. Un film dénonçant le manque
d'unicité qui se contredit lui-même en se détruisant
son introduction et en limitant son potentiel qu'à un divertissement.
Qui dit que les scénaristes ne sont pas importants?
Version française : Les Robots
Scénario : Jeff Vintar, Akiva, Goldsman, Isaac Asimov (livre)
Distribution : Will Smith, Bridget Moynahan, Alan Tudyk, James
Cromwell
Durée : 115 minutes
Origine : États-Unis
Publiée le : 19 Juillet 2004
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