INSIDE MAN (2006)
Spike Lee
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Sans être le film de l'année, Inside Man frappe
le spectateur de plein fouet dès les premières secondes
de la projection et instaure un puissant climat de tension qui refuse
de se relâcher à partir de ce moment précis. Sans
contredit, le nouveau Spike Lee est une machine hautement efficace qui
carbure aux plans fluides et mitraille, au rythme d'un montage incroyablement
précis, les différents virages d'un scénario franchement
bien ficelé. Bref, le film remplit avec brio toutes les attentes
du cinéphile moyen espérant un thriller de qualité
et se permet même de porter à certains endroits la signature
du plus reconnu des cinéastes afro-américains.
Bien sûr, cette histoire de vol de banque relativement conventionnelle
n'arrive pas à la cheville d'un chef-d'œuvre tel que Do
The Right Thing ou même du sous-estimé Summer
of Sam. Cette fois, Lee se contente d'appliquer dans les règles
de l'art les lois de la mécanique du suspense. S'il se permet
quelques entorses stylistiques, entre autre ces nombreux sauts dans
l'avenir qui permettent de démêler le dénouement
de l'intrigue sans en dévoiler tous les secrets, c'est pour étoffer
la vive tension de l'ensemble. Fidèle à son habitude de
fier défenseur des minorités ethniques de toutes sortes,
le vieux Spike glisse ici et là quelques clins d'oeil bien assénés
aux stéréotypes raciaux et à l'intolérance
xénophobe de l'Amérique.
En fait, l'auteur noir va même jusqu'à faire d'une vieille
histoire de trésors nazis le moteur de son intrigue. N'empêche,
cet élément thématique devient vite toile de fond
pour laisser toute la place à la féroce joute psychologique
que se livrent un officier de la police de New York (Denzel Washington)
et un intriguant maître chanteur ayant pris en otage une cinquantaine
d'honnêtes citoyens (Clive Owen). S'ajoutent au portrait un chef
d'escouade tactique frustré (Willem Dafoe), le propriétaire
de l'institution financière assiégée (Christopher
Plummer) ainsi qu'une mystérieuse négociatrice privée
(Jodie Foster).
Difficile de rater la cible avec une telle distribution. On pourra reprocher
au scénario de Russell Gewirtz d'abandonner à son sort
le personnage de Foster, ou alors de s'essouffler légèrement
en fin de parcours. Mais compte tenu du fait qu'il ne se dégonfle
pas à la dernière minute, Inside Man surplombe
déjà la plupart des thrillers des dernières années.
En fait, il s'avère difficile de dire quoi que ce soit de mal
au sujet du nouveau Spike Lee si ce n'est peut-être qu'il manque
parfois de subtilité lorsqu'il enfonce son commentaire social.
Qu'à cela ne tienne. Ce sont à ces détails sans
grand doigté que l'on reconnaît la verve du virulent Lee.
Parmi les meilleures scènes d'Inside Man, on se souviendra
de celle où des policiers transforment un otage Sikh en terroriste
Arabe de même que ce moment d'un humour appuyé où
le réalisateur de Malcolm X s'en prend à l'image
des noirs projetée par la culture populaire - par l'entremise
d'un jeu vidéo.
Néanmoins, il faut accepter Inside Man pour ce qu'il
est : un solide film de genre qui frappe fort et constamment sans laisser
au spectateur le temps de reprendre son souffle. À ce niveau,
le premier tiers du film est un tour de force technique absolument époustouflant
que même une trame sonore légèrement pompeuse ne
peut ralentir. De toute évidence, Spike Lee a déjà
proposé des films plus personnels et profonds. Mais cette machine
réglée au quart de tour fera l'affaire en attendant une
autre œuvre à compte d'auteur.
Version française :
L'Informateur
Scénario :
Russell Gewirtz
Distribution :
Denzel Washington, Clive Owen, Jodie Foster, Christopher
Plummer
Durée :
129 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
1er Avril 2006